Année : 1965
Pays : Japon
Casting : Nick Adams, Kumi Mizuno, Tadao Takashima...
Durée : 1h34
Note : 4/6 (MacReady)
Suite à l'énorme somme de travail fourni en 1964 - où la team tokusatsu/kaiju de la Toho je le rappelle a réussi à sortir trois films sur l'année (Mothra contre Godzilla, Dogora le monstre de l'espace et enfin Ghidorah the Three-headed Monster) - les artisans harassés ont le droit à de longues vacances méritées et prennent une bonne grosse demie journée pour se ressourcer - pas plus, faut pas abuser. Revigorés, ils se remettent au travail en bossant sur ce Furankenshutain tai Chitei Kaiju Baragon (que l'on pourrait traduire par Frankenstein contre le monstre sous-terrain Baragon) mais plus connu sous son titre simplifié Frankenstein vs Baragon ou encore le tonitruant : Frankenstein Conquers the World. S'éloignant pour un temps de l'orientation familiale que prend le genre, l'équipe nous proposera en s'attaquant au monstre créé par Mary Shelley, un film épousant la mélancolie et l’innocence inhérente à sa créature.
Durant l'année 64 la Toho signe un contrat de partenariat avec la société américaine United Productions of America plutôt avantageuse. La compagnie américaine fournira la moitié du budget, et même si cette dernière demande un droit de consultation sur les scénarios des différents projets et imposera la présence d'un rôle tenu par un acteur américain en tête d'affiche, elle laissera quasi le champs libre au producteur Tomoyuki Tanaka et à son équipe quant aux questions purement artistiques. La Toho possédant déjà les droits du script de Willis O'brien King Kong Versus Frankenstein - qu'elle a utilisé et transformé pour le projet King Kong contre Godzilla en 62 - et cherchant depuis un moment à mettre sur pied sa propre version de Frankenstein, s'orientera dans un premier temps vers un logique Frankenstein vs Godzilla. Cependant au vu de la trop grande proximité entre ce projet et celui opposant Le Roi des Monstres au Roi des Primates, le scénario sera remanié et Godzilla sera retiré du projet au profit d'un tout nouveau Kaiju : Baragon.
(le mignon Baragon, pas hyper populaire, et pas non plus hyper présent dans les autres film. On ne le retrouvera que dans Les Envahisseurs attaquent (Kaijû Sôshingeki/Destroy All Monsters) en 68 et dans Godzilla, Mothra and King Ghidorah: Giant Monsters All-Out Attack (Gojira, Mosura, Kingu Gidorâ: Daikaijû sôkôgeki) en 2001. Et c'est dommage. Je l'aime bien moi Baragon. Sans déconner vous le trouvez pas mignon vous ?)
L'histoire : Durant la Seconde Guerre mondiale, le cœur de la créature de Frankenstein débarque au Japon. Il est amené dans un laboratoire d'Hiroshima où des scientifiques procèdent à sa transplantation dans un cadavre. Mais, alors que l'opération vient de s'achever, la bombe atomique s'abat sur la ville. Des années plus tard, le monstre est recueilli par un scientifique américain et son assistante japonaise. Sous l'effet des radiations, il commence à grandir jusqu'à atteindre la taille d'une maison. En même temps, un dinosaure mutant, Baragon, sort de sa cachette souterraine et se livre à des raids destructeurs...
L'histoire est cette fois-ci confiée au scénariste Takeshi Kimura, déjà responsable entre autres de l'écriture de Rodan en 56, de la Prisonnière des Martiens en 57, ou encore de Matango en 63. Contrairement à Shin'ichi Sekizawa (Mothra, King Kong contre Godzilla, Mothra contre Godzilla, Ghidorah The Threee Headed Monster), Kimura n'apprécie guère le revirement familial du Kaiju-eiga, il signera donc cette histoire sous le pseudonyme Kaoru Mabuchi. En effet pour lui le genre doit être traité sérieusement et doit être le véhicule permettant d'aborder des thèmes importants. Pourtant, même s'il signe ici le script sous son pseudonyme, l'histoire s'éloignera néanmoins du simple divertissement familial en proposant une histoire revenant frontalement aux traumatismes de la guerre, de la destruction atomique et de ses conséquences, l'ensemble se mêlant et rejoignant parfaitement la mélancolie inhérente au personnage du monstre de Frankenstein, être incompris, isolé, solitaire et rejeté.
Ici les ravages de la guerre sont traités encore plus que dans le premier Godzilla de manière directe. Si le Roi des Monstres devenait l'incarnation même de la menace nucléaire, le Monstre de Frankenstein dans cette version Japonaise deviendra l'incarnation de ses victimes. Difficile de ne pas voir dans les premiers instants la créature - présentée sous les traits juvéniles d'un enfant sauvage, habillé de haillons, cherchant à se nourrir comme il le peut, au visage qui pourrait être déformé par les radiations - comme l'illustration de ces orphelins d'après guerre essayant de survivre. Même si aucun doute quant à la nature fantastique de cet enfant n'existe chez le spectateur, Kimura et Honda choisissent néanmoins d'appuyer ce parallèle et l'empathie fonctionne. Malgré un maquillage dégageant un peu trop un aspect - comment le dire gentiment ?- débile, on se prend au jeu et ça marche plutôt pas mal. Et lorsqu'enfin la créature gagnera en taille et en puissance, en dangerosité, ce ne sera que pour mieux illustrer sa différence, son isolement, son incapacité intrinsèque à se mêler à l'humanité.
Malgré un rythme fluctuant, l'ensemble du cast et de l'équipe technique font néanmoins du bon travail. Et lorsque l'opposition entre la créature de Frankenstein et Baragon se précisera et s'illustrera enfin, l'équipe, dégagée des difficultés inhérentes à gérer un combat entre deux mecs costumés, proposera un combat plus qu'efficace. Véloce, agile, voir violent et brutal, on est loin du combat de cours de récré entre Godzilla et Rodan que l'on pouvait voir dans Ghidorah The Three Headed Monster. Ici on est pas vraiment là pour rigoler, et si évidement on peut y voir une sorte de facilité après la logistique et les difficultés surmontées des précédents combats des autres kaiju-eiga, on l'oublie assez rapidement. Eiji Tsuburaya fait évidement une fois encore un sacré bon taf - que cela soit au milieu du métrage pour nous présenter le gigantisme de la créature, et évidement lors du combat final dont certains plans et certaines compositions dégagent une certaine puissance guerrière et sauvage.
Frankenstein vs Baragon/Frankenstein Conquers the World, même si loin de la fantaisie débridée des œuvres précédentes et futures, et donc fondamentalement n'étant pas le kaiju-eiga le plus fun à suivre, souffrant parfois de problèmes de ryhtme, réussit malgré tout à nous proposer une histoire efficace, des personnages intéressants, une créature touchante malgré un design pas totalement réussi à mon sens, des plans qui claquent et un combat final vraiment sympa.
-MacReady-
Films cités dans l'article et présent sur le blog :
Commentaires
Enregistrer un commentaire