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Réalisation : Ishiro Honda
Année : 1961
Pays : Japon
Casting : Furankî Sakai, Hiroshi Koizumi, Kyôko Kagawa
Durée : 1h41
Note : 4/6 (MacReady)
Sept ans entre le premier Godzilla et Mothra. Il aura fallu sept ans pour que le genre s'impose et explose complètement. Nous sommes dans les années 60, et la vague du Kaiju-Eiga va tellement enfler qu'elle va tout emporter sur son passage. Durant cette décennie nous allons avoir : huit Godzilla, cinq Gamera, trois Damajin, et là je ne parle que des plus connus et des plus grosses licences - sans même aborder les productions télévisuelles comme Ultra Q (rien de sexuel) et son spin-off beaucoup plus connu : Ultraman. Une vague démesurée donc, envahissant et peu à peu noyant le marché. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans le détail (et de souffrir un peu quand même pour certains films on va pas se le cacher).
Mais une chose à la fois. 1961 donc.
Le producteur Tomoyuki Tanaka (déjà derrière tous les premiers kaiju-eiga et présents sur le blog, si vous suivez) s'associe avec l'écrivain et scénariste Shin'ichiro Nakamura pour développer une histoire volontairement plus grand public que les œuvres précédentes. Faisons simple : l'histoire sortira dans un premier temps de manière épisodique dans le magazine Asahi Geinō sous le titre Hakou yousei to Mosura (Mothra et les Fées Lumineuses dans la langue de Valérie Pécresse) avant d'être développée pour le cinéma, proposant ainsi un kaiju-eiga orienté vers la fantasy, le conte et l'aventure.
Mais quelle est cette histoire puisqu'on en parle ?
Suite à une tempête un navire de pèche s'échoue sur l'île Infant - un site d'essais nucléaires de la nation fictive Rolisisca. Retrouvés indemne et ne souffrant d'aucune contamination radioactive, les marins expliquent qu'ils ont survécu grâce aux indigènes. Étonnés que de la vie subsiste sur l'île - humaine qui plus est - le Japon et la Rolisisca montent une expédition scientifique pour explorer l'île. Ils tomberont sur les Shobijin, deux prêtresses lilliputiennes. Le chef de l'expédition - le perfide et cupide Clark Nelson, un entrepreneur Rolisiscanien - kidnappe les deux prêtresses, les ramène au Japon pour les utiliser et les exhiber dans un spectacle, réveillant ainsi la déesse Mothra (ou Mosura en japonais)
(alors Mothra, c'est simple, c'est l'un des kaiju les plus populaires de l'archipel. Elle a son film solo en 1961 donc, on la revoit en 1964 dans Mothra vs Godzilla, dans Gidorah, The Three-Headed Monster également en 64, Ebirah, Horror of the Deep en 66, Destroy All Monsters en 68, Godzilla vs Gigan en 72, Godzilla vs Mothra en 92, Godzilla vs SpaceGodzilla en 94, elle aura également sa propre trilogie avec les trois Rebirth of Mothra (respectivement en 96, 97 et 98), dans Godzilla, Mothra and King Gidorah : Giant Monsters All-Out Attack en 2001, Godzilla X Mechagodzilla en 2002, Godzilla : Tokyo S.O.S en 2003, et dans Godzilla : Final Wars en 2004 - ouf, ça fait beaucoup)
Mais revenons à ce premier film : comme on le voit dans le résumé, l'hommage à King Kong est frontal. L'exploration d'une ile étrange, la découverte d'une forme de vie particulière, l'exploitation dans le milieu du spectacle, autant d'éléments faisant directement écho au chef-d'œuvre de Merian Cooper et de Ernest Schoedsack. Cela dit il y a évidement des différences dans les dispositifs utilisés.
Le principe - contrairement à King Kong - de dissocier l'élément captif (les fées) et la menace (Mothra) permet de renforcer à mon sens cette volonté d'orienter le métrage vers le récit merveilleux et familial en extrayant la tragédie inhérente à Kong - victime innocente de la cupidité humaine qui, le déplaçant de son environnement naturel, entrainera sa perte. Mothra elle n'est pas une victime de la bêtise humaine. C'est une déesse dont les actes ne visent qu'à rétablir l'ordre : libérer et ramener les Shobijin sur l'île Infant. Différence avec Kong, mais se rejoignant néanmoins dans le principe : les destructions et les morts causées par les deux monstres nous apparaissent comme involontaires pour certaines, voir justifiées, méritées.
Mothra est également particulière pour plusieurs raisons. Déjà purement techniquement, nous ne sommes plus dans la configuration de l'homme dans le costume, Mothra étant une marionnette ce qui apporte également son lot de problèmes lors de la production. Mais surtout la différence fondamentale, outre cet aspect technique, c'est que Mothra est une figure mythologique féminine. Ainsi son design n'est pas conçu pour repousser ou impressionner par sa masse, par sa force, par sa puissance. De plus Mothra bénéficie d'un cycle évolutif. Symbolisé par un œuf dans la première partie, par une larve ou une chenille dans la deuxième et enfin dans toute sa splendeur colorée dans la dernière, cette évolution rythme et épouse les évolutions même du récit : d'abord passive puisque endormie alors que les hommes explorent l'île ; mystérieuse et inquiétante alors qu'elle se révèle à l'humanité tenant captive ses prêtresses ; et enfin resplendissante exprimant sa nature plus libératrice que vengeresse lors du final.
Toutes ces propositions, tous ces éléments participent au déroulement d'un récit parfaitement structurée. Cela dit, le film n'est pas non plus parfait. Le rythme est loin d'être maitrisé, l'hommage à Kong met quand même tout ceci sur des rails et le développement en devient un peu évident, impactant l'implication dans l'histoire. Ce qui est problématique, on va pas se le cacher.
Néanmoins le film réussit son coup sur énormément de points : Mothra est superbe, les effets spéciaux de Eiji Tsuburaya sont parfaitement respectables (même si pas parfaits, évidement, certaines incrustations et certains découpages bavent un peu, quelques plans un peu trop visibles de l'utilisation de poupées pour montrer l'interaction entre les Shobijin et les humains - mais bon, ça passe et ça participe au charme), la prière à Mothra chantée par les prêtresses est devenue mythique (et participe également aux caractéristiques mythologiques du film - ce dernier utilisant pas mal de symbole allant dans ce sens, jusqu'à certains symboles catholiques lors du final, soulignant la caractéristique divine de ce papillon géant), et Honda orchestre bien tous les différents éléments du projet.
Mothra se montre donc extrêmement intéressant par bien des aspects. Il nous venge aussi visuellement du très pauvre Varan, le film réussissant sans problème à nous offrir des images marquantes, s'exprimant à travers une photo superbe - en vrai TohoScope cette fois-ci, s'il vous plait, merci - et même s'il y a des problèmes de rythme (et qu'à titre personnel c'est pas mon kaiju-eiga préféré, je ne vais pas vous mentir) il réussit à se montrer malgré tout très efficace, à être beau, et à nous introduire plus qu'un monstre lambda et remplaçable parmi d'autres mais une véritable icône du genre. C'est pas rien.
-MacReady-
Films cités dans l'article disponible sur le blog :
- Godzilla
- Ghidorah, The Three-headed Monster
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