Ghidorah, The Three-Headed Monster [Ishirō Honda]

 

Avis Ghidorah, the three-headed Monster Ishiro Honda

 
Réalisation : Ishiro Honda 

Année : 1964

Pays : Japon

Casting : Yosuke Natsuki, Yukiko Hoshi, Akiko Wakabayashi...

Durée : 1h33

Note : 4/6 (MacReady)

 

1964, grosse année pour la team tokusatsu/kaiju de la Toho. Ils ont déjà sorti le génial Mothra contre Godzilla, et à peine le film arrive en salle, qu'ils enchainent sur deux autres projets qui sortiront la même année. En premier lieu le curieux et assez intéressant Dogora le Monstre de l'espace - que j'ai décidé de ne pas chroniquer ici car à mon sens ce n'est pas exactement un kaiju-eiga dans le sens classique du terme, mais peut-être y reviendrais-je un jour, histoire de parler un peu des autres films de science-fiction d'Ishiro Honda, pourquoi pas. Et ensuite le film qui nous intéresse aujourd'hui : San Daikaijū : Chikyū Saidai no Kessen - que l'on pourrait traduire approximativement par Trois Monstres Géants : La Plus Grande Bataille de la Terre - mais plus connu chez nous sous son titre anglais : Gidorah, The Three-Headed Monster.
 
L'histoire : Un étrange astéroïde s'écrase sur Terre et l'équipe du professeur Murai part enquêter sur place. Pendant ce temps, une femme étrange prétendant être une Vénusienne annonce que, si l'humanité ne se repent pas, elle sera détruite. La Vénusienne prophétise le retour de Godzilla et Rodan, ainsi que la venue d'un monstre de l'espace appelé King Ghidorah.
 

Avis Ghidorah, the three-headed Monster Ishiro Honda

(King Ghidorah, c'est le méchant ultime, un kaiju qui en impose directement, hyper puissant, hyper classe, hyper populaire, hyper pas gentil, présenté dans ce premier film le concernant comme un destructeur de mondes. Nous le reverrons l'année suivante en 1965 dans Invasion Planète X (Kaiju Daisenso/Invasion of Astro-Monster), en 68 dans Les Envahisseurs Attaquent (Kaiju Soshingeki/Destroy all Monsters) dans Godzilla vs Gigan en 72, dans Godzilla Vs King Ghidorah en 91, dans le Godzilla vs Mechagodzilla de 1993, dans le troisième opus de la trilogie Ribirth of Mothra en 98, et dans Godzilla, Mothra and King Ghidorah : Giant Monsters All Out Attack en 2001)
 
Une fois encore la production est un peu particulière. Dans les années 60 le producteur Tomoyuki Tanaka a pris du galon. Il n'est plus seulement responsable des films de science-fiction et de monstres géants de la firme, mais d'une foule d'autres projets dont ceux d'Akira Kurosawa, notamment Barberousse, qui était à l'origine prévu pour sortir en salle à la fin de l'année 64. Seulement Kurosawa prend du retard et il lui sera impossible de tenir les délais. Une case est donc libre sur l'agenda de la Toho et doit être comblée assez rapidement. Tanaka, en mode c'est chaud mais je gère, précipite donc la mise en chantier du troisième kaiju-eiga de l'année (deuxième et demi en vrai, comme je le disais Dogora c'est spécial) avec toujours la team habituelle : Shin'ichi Sekizawa au scénario, Ishiro Honda à la réal, Eiji Tsuburaya aux effets spéciaux et Akira Ifukube à la musique. L'équipe est dispo, assez sur les rotules j'imagine mais bien rodée, et fournira malgré la pression assez dingue un plutôt bon taf. 
 

Avis Ghidorah, the three-headed Monster Ishiro Honda

 
L'équipe nous propose une histoire assez rythmée notamment grâce aux différents genres invoqués qui la compose. Nous avons bien entendu de la science-fiction - ici frontalement car pour la première fois dans la saga Godzilla on nous présente des éléments extra-terrestres - mais également de la manigance à travers un complot visant à assassiner une princesse en fuite, de l'action (scène de gunfight inside) et bien entendu de la destruction et du catch de gloumoutes. Faut d'ailleurs pendre en compte la complexité de devoir réunir les trois monstres géants de l'écurie Toho (Godzilla, Mothra et Rodan, ce dernier revenant pour la première fois sur les écrans depuis son film solo de 1956). Les réunir disais-je, donc les faire se combattre bien entendu, il sont pas là pour jouer au rami, et finalement faire équipe pour affronter la menace ultime : King Ghidorah. Donc rien que niveau kaiju nous avons trois bestioles connues à gérer, mais également l'obligation d'en concevoir une quatrième, avec nouveau design, le rendre évidement viable lors de son utilisation sur le set (pas simple vu le dit design et vu ses caractéristiques) et de présenter ce nouveau monstre dans la narration.
 
Autant dire que c'est pas forcément simple dans la dynamique, vu les temps impartis. Alors je disais histoire rythmée et c'est le cas, seulement ça fait quand même beaucoup. Et il est peut-être un peu dommage de perdre la ligne hyper claire que l'on avait dans Mothra contre Godzilla. Sans aller jusqu'à dire que parfois ça fait brouillon, il est vrai que l'on se retrouve à suivre beaucoup de personnages, beaucoup d'enjeux différents et que l'efficacité en prend un petit coup. Pas forcément que cette histoire se montre complexe - elle se suit au contraire parfaitement bien - mais disons pour simplifier que ce n'est pas non plus toujours extrêmement fluide dans son articulation. Un peu de temps supplémentaire pour polir le scénario n'aurait pas été du luxe. Cela dit ça fait le job, même plutôt bien vu les circonstances, et l'ensemble est porté par un cast et des persos intéressants. 


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L'autre fait marquant du film, et très important, c'est que, comme je l'ai déjà dit, nous sommes en 64, dix ans donc après le premier Godzilla. Et forcément suite au succès des projets plus abordables et familiaux que sont King Kong contre Godzilla et Mothra contre Godzilla, le Roi des Monstres n'est plus vraiment ce symbole terrifiant de l'holocauste nucléaire. Et encore, si je dis plus vraiment, la vérité c'est que ce n'est plus du tout le cas. Godzilla est devenu une véritable star, il fait la une des magazines, et les enfants l'adorent. De ce fait Ghidorah, The Three-Headed Monster va entamer la bascule modifiant profondément l'approche du traitement qui sera appliqué au Lézard Atomique et qui entrainera Godzilla à devenir dès la deuxième partie des années 60 et lors des années 70, le meilleur ami des enfants. 

Alors ici on en est pas encore tout à fait là, mais ça commence doucement. Déjà en renforçant l'humanisation de la bête par une sorte d'anthropomorphisme quasi comique et léger. La baston entre Godzilla et Rodan, par exemple, et même si elle contient quand même son lot de passages marquants et évocateurs, réussissant même parfois à se montrer assez classe sur quelques plans...


Avis Ghidorah, the three-headed Monster Ishiro Honda

 

... s'éloigne néanmoins assez souvent de la volonté de présenter des titans étranges et imposants s'affrontant avec rage. En effet au bout d'un moment on rentre plus dans une configuration légère se rapprochant d'une bagarre de cours d'école. Avec Mothra - ici présente uniquement sous sa forme larvaire - comme la maman, la maitresse d'école, disputant les mauvais garçons que sont Godzi et Rodan, en leur disant que bon, ça suffit, jeux de kaiju, jeux de vilains, et qu'ils feraient mieux de s'unir contre la véritable saloperie du film, King Ghidorah. Et j'exagère à peine. On est au-delà de l'impression : une scène nous montre les Shobijin - les prêtresses miniatures je le rappelle, toujours interprétées par les sœurs jumelles Emi et Yumi Ito depuis le Mothra de 1961 - traduisant en temps réel un dialogue entre les kaiju. Et c'est carrément ça.
 
Et oui, on peut la déplorer cette réorientation, bien sûr. Et je conçois parfaitement que pour les gens non initiés et pas complétement, de base, intéressés par le kaiju-eiga, ça va devenir encore plus compliqué. Et l'adjectif nanar pourrait ressortir encore plus facilement. Un terme que pourtant - et pour le moment en tout cas - je continue à récuser totalement devant les réussites indéniables de l'entreprise et les qualités formelles présentées.

 

Avis Ghidorah, the three-headed Monster Ishiro Honda

 

Une fois les mauvais élèves rentrés dans le rang, la baston finale peu commencer. Et c'est totalement efficace. Les différentes particularités des adversaires sont bien utilisées. Le combat est fun à suivre. Tsubaraya comme d'hab assure. King Ghidorah est franchement impressionnant et s'impose comme un kaiju hyper marquant - pas pour rien qu'il est considéré comme le méchant ultime de la saga. Et le tout régale bien comme il faut - même si sans doute à cause du manque de temps et peut-être de budget, il y a un peu moins de plans composites intégrant dans le même cadre humains et kaiju, renforçant inévitablement le coté colossal de ces véritables buildings vivants se mettant sur la gueule. C'est dommage, mais bon. Ils ont pas franchement le temps. On pardonne. 
 
Et on pardonne d'autant plus que comme dit, c'est plutôt efficace, bien mené, fun à suivre, avec son lot de phases et de plans impressionnants, et que le team-up est particulièrement réussi autant dans les idées (chouette moment où la larve Mothra grimpe sur le dos de Rodan pour balancer sa soie adhésive visant à immobiliser Ghidorah d'un coté, avant que Godzilla ne se jette sur lui de l'autre) que dans leurs exécutions à l'écran.


Avis Ghidorah, the three-headed Monster Ishiro Honda

 

Ghirorah, The three Headed Monster se présente donc comme un divertissement très sympa, pas dénué de défauts évidement, mais plutôt cool à suivre. Il entame la transition progressive de Godzilla vers l’icône populaire qu'il est devenue. Propose le premier team-up de la saga, une histoire - beaucoup moins solide et riche en symbole dans son illustration que l'était Mothra contre Godzilla - mais néanmoins fun à suivre avec aventures, actions, rebondissements, combats de grosses bestioles, et surtout en introduisant un méchant particulièrement classe. Et lorsque l'on prend en compte que c'est le troisième film sorti la même année (!) par la même équipe (!) on ne peut que trouver ça plutôt impressionnant.

 

-MacReady - 



Films cités dans l'article et disponibles sur le blog :

 
 

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