Année : 1965
Pays : Japon
Casting : Akira Takarada, Nick Adams, Kumi Mizuno...
Durée : 1h34
Note : 4/6 (MacReady)
Toujours désireuse à la fois de capitaliser sur sa franchise phare mais également de proposer une certaine forme de diversité dans la manière de l'aborder - et d'autant plus alors que la concurrence vient de rentrer dans l'arène avec son Gamera - la Toho et son équipe kaiju, ici toujours en partenariat direct avec la boite Américaine UPA, après s'être attaquée la même année à une histoire plus sensible à travers leur Frankenstein Conquers The World, décident de revenir au divertissement familial et d'orienter ce nouvel opus du Roi des Monstres vers la pure science-fiction à travers une histoire d'invasion extra-terrestre, quitte à reléguer les combats de catch des gloumouttes géantes au second plan. Pas étrangère à ce genre cinématographique - Honda a déjà signé l'excellent Prisonnière des Martiens (The Mysterians/Chikyū Bōeigun) en 1957 et Battle Outer Space (Uchū daisensō) en 59 - ce nouveau projet portant le titre de Kaiju Daisenso (que l'on pourrait traduire par La Guerre des Monstres Géants), qui deviendra Invasion of Astro-Monster aux USA et Invasion Planète X chez nous, représente une certaine ambivalence : à la fois réussite totale dans la production et ses divers éléments visuels purement science-fictionnels, mais également présentant les premiers signes d'une lente dégénérescence et de choix qui, s'ils raviront le jeune public, entraineront chez certains instigateurs et créateurs même du genre - Honda en tête - déceptions et regrets.
L'histoire : Des astronautes découvrent une planète en orbite de Jupiter dont le peuple, les Ixiens, est asservi par King Ghidorah, les attaquant continuellement et ravageant la surface. Pour se débarrasser de cette menace, les Ixiens, en échange de la promesse de délivrer à l'humanité un remède contre le cancer, leur demandent s'ils peuvent réquisitionner Rodan et Godzilla pour le combattre.
Le scénariste Shin'ichi Sekisawa qui pour rappel a déjà entre autres signé les scénars de Mothra, de King Kong contre Godzilla, de Mothra contre Godzilla et de Ghidrah, the Three-Headed Monster, rempile une nouvelle fois et comme à l'accoutumé propose un développement assez efficace. Que cela soit dans la présentation du peuple Ixien - peuple que l'on reverra, soit dit en passant, en antagoniste principal en 2004 dans le Godzilla Final Wars de Ryūhei Kitamura - son fonctionnement, dans leurs mystères et ambivalences affichées ou que cela soit à travers les différents personnages humains et leurs interactions, l'ensemble se montre assez chouette à suivre. Le ton reste léger sans non plus se montrer trop inconséquent, c'est fun, ça s'inscrit totalement dans les canons science-fictionnels de l'époque et, même si quelques menus problèmes de rythme apparaissent - notamment dû, à mon sens, au nombre de personnages et à leurs sous-intrigues - ses différents éléments s'emboitent et s'articulent néanmoins plutôt bien et trouveront une résonance particulière au fur et à mesure de l'avancée narrative. Seul véritable reproche au tableau pour les amateurs de kaiju, comme dit dans l'intro, ces derniers se font plutôt discrets et donnent un peu l'impression de n'être que des figurants. De mon point de vue, ça reste un peu problématique.
Niveau visuel, ça le fait. L'ensemble - film de science-fiction des 60s oblige - dégage des tons colorés, éminemment pops, et, si tant est que vous soyez sensibles au charme suranné de ce genre de prods de l'époque, le film fleure bon le kitch irrésistible et la naïveté (dans le bon sens du terme) attachante de la période. Tout ce qui touche à la planète X, aux décors extra-terrestres, leurs soucoupes, leurs environnements, est soignée. Ishiro Honda et le directeur des effets spéciaux Eiji Tsubaraya proposent des plans superbes sur la planète - le cadre régulièrement fermé par l'imposante présence de Jupiter donnant aux plans une certaine profondeur et puissance évocatrice vraiment loin d'être dégueu. Seulement deux faits notables vont venir s'incruster dans le tableau. Pas foncièrement problématique dans l'absolu, mais néanmoins importants dans ce qu'ils vont symboliser et représenter pour le futur du genre. En premier lieu, la fameuse danse de la victoire - aujourd'hui elle est culte et participe entièrement à la représentation du Godzilla de l'ère Showa - la fameuse, disais-je, danse "Shie" que nous fait Godzilla suite au premier combat contre Ghidorah.
Cette danse de la victoire a été proposée par Eiji Tsubaraya lui-même qui lors du tournage aurait demandé à l'acteur dans le costume Haruo Nakajima d'entamer cette danse. La danse ou pose "Shie", vient directement du manga humoristique Osomatsu-kun de Fujio Akatsuka, publié de 1962 à 69. Véritable phénomène de société, le manga, et donc cette pose que le protagoniste entame régulièrement, fait fureur parmi les jeunes lecteurs. Alors il faut reconnaitre que l'humanisation de Godzilla avait déjà été totalement entérinée dans le précédent film, Ghidorah the Three-Headed monster (je vous renvoie à mon article sur le film pour plus de détails - outre les libellés regroupant tous les films du genre, liens dispo comme d'hab en fin d'article) et pas qu'un peu. Cette humanisation, ce revirement était déjà bien en place. Mais là on est quand même au-delà de ça : on est clairement dans le clin d'œil méta, poussant la distanciation pour les spectateurs de l'époque au maximum. Comme dit un clin d'œil, un coup de coude. Et dans l'équipe, du cameraman à l'acteur dans le costume, cela ne plaira pas vraiment. Honda lui-même s'en amusera, mais de manière un poil désabusée devant ce décalage de plus en plus grand entre ce que le monstre est devenu et ce qu'il a pu représenter dans le film original de 54 et qui de ci, de là continue malgré tout à véhiculer : une menace imposante, symbolique, presque majestueuse.
Cependant, en bon employé, et poussé à la fois par le producteur Tomoyuki Tanaka et par Henry G. Saperstein le prod américain ("les gosses vont adorer !"), la scène sera tournée par Honda et gardée. Alors qu'en dire aujourd'hui ? Difficile. Je comprends totalement les doutes qu'on pu avoir le réal et certains membres de l'équipe à l'époque, le nez dans le guidon, devant cette forme de point de non-retour et devant le décalage de plus en plus grand entre le monstre que Godzilla était, ce qu'il pouvait représenter symboliquement, et ce qu'il est entrain de devenir. Encore une fois on est au-delà de l'humanisation, mais dans la récupération de ce qui aujourd'hui pourrait être assimilé à une sorte de reprise d'un mème internet juste pour le clin d’œil, l'immédiateté. Le coté gratuit du procédé à l'époque pouvait poser problème à l'équipe. Les faire se questionner en tout cas. Cela dit, personnellement je l'aime beaucoup. Comme dit elle est culte et participe totalement à la représentation du Godzilla de la période. Et comme aujourd'hui elle est totalement détachée de sa référence initiale, oubliée ou voir totalement méconnue par un public occidental moderne, ce passage pose de toute façon bien moins problème qu'à l'époque. Au pire elle reste décalée, amusante.
Enfin deuxième point, lui à mon sens beaucoup plus chiant et qui malheureusement prendra une place de plus en plus importante au fur et à mesure du temps et de certains projets : c'est le début de l'utilisation de stock-shots des précédents films pour faire des économies, de temps et donc de pognon, lors du combat final. De nombreux plans de destruction viennent du Rodan de 1956, du Mothra de 1961, et même certains autres de Ghidorah The Three-Headed Monster sorti à peine un an avant. Honda aussi le regrettera, s'exprimant plus tard sur le cercle vicieux que de telles méthodes représentaient. Heureusement, on est encore loin de certains films de la fin des années 60 capitalisant presque entièrement sur ce genre de procédé (oui c'est à toi que je pense All Monsters Attack/Godzilla's Revenge, fais pas genre) et certains passages claquent quand même pas mal encore.
Invasion Planète X est donc malgré tout efficace mais également représentatif de la lente dégénérescence du genre. Il est cool, coloré, pop et kitch, plastiquement plus qu'intéressant mais néanmoins portant en lui la graine qui contribuera à sa dégradation. Mais ce n'est pas parce qu'il porte cette graine que le film doit en pâtir par un réflexe rétroactif. Il tient bien la route, propose un film de science-fiction très sympa, plutôt prenant malgré ses problèmes rythmiques, propose des personnages attachants et des interactions dynamiques, et l'ensemble est emballé par des visuels parfois vraiment cools. Et même si la présence de ses stars géantes se font plus discrètes (trop à mon gout), il n'en reste pas moins divertissant.
-MacReady-
Films cités dans l'article disponibles sur le blog :
Beaucoup de machines sur Ix.
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