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Gamera [Noriaki Yuasa]

 

Avis Gamera 1965

 
Réalisation : Noriaki Yuasa

Année : 1965

Pays : Japon

Casting : Eiji Funakoshi, Harumi Kiritachi, Junichiro Yamashita

Durée : 1h18

Note : 4/6 (MacReady)

 

1965, la Daiei - immense studio de production Japonais ayant notamment participé à la découverte et au rayonnement du cinéma nippon dans le monde en ayant produit le Rashomon de Akira Kurosawa (qui remporta le Lion d'or du Festival de La Mostra de Venise en 51, devenant le premier film Japonais a être récompensé à l'étranger) mais également La Porte de L'enfer de  Teinosuke Kinugasa en 1953 (et qui remporta la Palme d'or au Festival de Cannes) - La Daiei disais-je se décide enfin à se lancer dans l'aventure du kaiju-eiga et à briser ainsi la totale hégémonie de la Toho sur le genre. Après des débuts difficiles et un premier projet annulé - nous y reviendrons - ils produiront ainsi Gamera, la tortue géante à réaction, aussi tournoyante et volante qu'une soucoupe, et qui deviendra une immense icône populaire du genre, le seul concurrent viable de Godzilla, et qui se développera à travers 12 films toutes périodes confondues. 


Avis Gamera 1965

 

Jusqu'ici la Daiei était surtout un studio majoritairement connu pour le jidai-geki, littéralement drame historique, dont on peut considérer le chambara (le film de sabre) comme un sous-genre direct. La saga Zatoichi avec le génial Shintaro Katsu, la saga Nemuri Kyōshirō interprété par Ichikawa Raizo, entre-autres, autant de films et de personnages ultra populaires, sortant plus que régulièrement sur les écrans et qui, outre leurs projets plus "nobles" - même si je déteste le terme et la hiérarchisation qu'elle implique - ont eux aussi participé à la renommée du studio. Et les mecs n'ont pas peur de les produire à la chaine tout en maintenant une qualité assez incroyable vu le rendement. Pour la saga Zatoichi par exemple - qui totalise quand même 26 films et dont la Daiei produira 18 de ces film avant qu'il ne soit récupéré par la boite de prod de son interprète principale (la Katsu Production) qui les développera lui-même - pour Zatoichi disais-je c'est quand même 12 films en 3 ans. Excusez du peu. 

Mais malgré ça le président du studio, Masaichi Nagata, décide de diversifier ses productions pour toucher un marché plus vaste. En effet le jidai-geki c'est super, mais ce n'est pas ça qui va attirer en masse la famille et les enfants. Appâté par les 11 millions de spectateurs de King Kong contre Godzilla, Nagata décide de lancer la production de son kaiju-eiga maison. Et ça va pas être simple.

 

Avis Gamera 1965


Alors à ce stade une fois encore il faut que je rende à César ce qui appartient au sénat, puisque je ne connaissais pas du tout l'histoire de ce premier projet dont j'ai pris connaissance en lisant l'excellent livre Kaiju, Envahisseurs & Apocalypse de Fabien Mauro sorti chez Aardvark Editions, et encore encore une fois : merci à eux. Pour ce premier projet donc, Nagata, au cours de l'année de grâce du kaiju 1964, lance le développement et la production de Daigunjū Nezura (ou Giant Horde Beast Nezura) et ça va être un bordel incroyable. 

Faisons simple, le film devait nous présenter un kaiju à l'apparence de rongeur guidant et dirigeant une horde de rats géants envahissant et dévastant Tokyo. La production avance bien, pas mal de pognon est investi, des maquettes sont construites. Seulement la production va prendre la décision ma foi assez logique mais finalement fâcheuse d'utiliser de vrais rats pour les scènes d'invasion. Et ça va être l'enfer absolu. Les rats s'échappent, se reproduisent sur le set, en foutent partout, s'entretuent, s'entre-dévorent, répandent  la blinde de parasites - des tiques, des puces, tout ce que vous voulez - et transforment le plateau en véritable dégueulasserie ingérable. À tel point - et c'est vous dire le niveau de l'immondice - que la production est purement et simplement interrompue puis annulée. Seulement, histoire de ne pas perdre les investissements déjà injectés notamment dans les maquettes, il faut vite réagir. Et c’est en prenant l'avion que Nagata imaginera lui-même le postulat de base du futur projet en ayant la vision d'une immense tortue géante volante : Gamera est né.


Avis Gamera 1965

L'histoire : Des avions militaires russes chargés de bombes nucléaires s'écrasent au Pôle Nord. L'explosion atomique réveille Gamera, un monstre mythologique dont l'origine semble remonter à l'Atanltide, ressemblant à une tortue qui se nourrit de chaleur et commence à attaquer les villes pour se recharger. L'armée tente désespérément de trouver une solution pour en venir à bout.

Le projet comme nous le voyons revient à la source première de l'inspiration ayant donné naissance au genre du kaiju-eiga en reprenant le principe même du film américain réalisé par Eugène Lourié, Le Monstre des temps perdus (The Beast from 20,000 Fathoms) sorti en 1953, racontant déjà le réveil d'une créature géante s'extirpant de sa prison de glace suite à une explosion  nucléaire, et qui était déjà au centre de l'inspiration de la Toho et du producteur Tomoyuki Tanaka pour ambitionner leur propre film de monstre géant qui deviendra Godzilla.

Le projet Gamera tombe entre les mains du jeune réalisateur Noriaki Yuasa qui doit se démerder comme il le peut avec une petite enveloppe de 40 millions de yens (le tiers du budget des kaiju-eiga de la Toho), ce qui les obligera à tourner en noir et blanc histoire de faire des économies, gérer les effets spéciaux malgré le manque d’expérience du studio en la matière, et surtout établir l'équilibre tonal du film, devant slalomer entre le coté horrifique du premier Godzilla et entre l'aspect familial recherché par la Daiei. Pour faciliter ce slalom de perception et favoriser l'identification et l'implication du jeune public dans cette histoire, un rôle important sera confié à un enfant (le jeune Yoshiro Uchida) dans le rôle de Toshio, passionné par les tortues, et qui envers et contre tous s’évertuera pendant tout le film à défendre Gamera. (envers et contre tous, ok, mais également envers et contre toute raison logique, Gamera étant vraiment loin d'être sympa dans ce premier film : il détruit, il tue, il crame des gens, il s'en fout, il veut bouffer). Yoshiro Uchiida devient donc le premier enfant à avoir un rôle important dans un kaiju-eiga.

 

Avis Gamera 1965

 

Le film, malgré des défauts surtout imputables au manque de budget et d'expérience du studio et de l'équipe de tournage, est néanmoins assez réussi. Il est plutôt rythmé - Gamera se réveillant dés les premières minutes du film - et même si parfois il se montre un peu pataud dans les différentes articulations de son développement narratif, rien de trop méchant non plus, ça fonctionne quand même. D'autant plus qu'il est assez court avec son 78 minutes. Il propose également des personnages déjà vus par les différents archétypes utilisés (un scientifique, son assistante, un journaliste) mais rien de non plus préjudiciable, ils sont bien interprétés et participent efficacement à apporter leurs points de vue sur la bête. Forcément, et comme déjà dit, les manques de budget et d'expérience ne contribuent pas vraiment à dégager à l'image la puissance évocatrice et/ou poétique de certains films de la Toho, mais c'est néanmoins respectable et les scènes de destruction sont assez sommaires mais efficaces. 

Les vraies réussites concernent surtout les démarcations par rapport à Godzilla (et d'autres kaiju de la Toho) au niveau des caractéristiques de la tortue géante qui apportent leurs lots de petites trouvailles visuelles sympas - notamment la capacité aérienne de la tortue comme déjà évoqué qui, tournoyant sur elle-même, se substitue à l'imagerie science-fictionnelle de la soucoupe volante - démarcations qui participent indéniablement à l'iconisation de ce kaiju. La photo s'exprime à travers un 2:35 assez bien utilisé et le noir et blanc se révèle être un très bon choix non seulement économiquement et logistiquement (car permettant de diminuer ou de cacher les défauts de certaines scènes à effets spéciaux) mais également artistiquement : renforçant par l’obscurité de certaines scènes et par la profondeur des noirs de certains plans le caractère parfois inquiétant voir horrifique du métrage.

 

Avis Gamera 1965

 

Daikajû Gamera sort sur les écrans japonais le 27 novembre 1965 et remporte un énorme succès au box-office nippon - presque même à la surprise de ses instigateurs. La Daiei a réussi son pari malgré tous les aléas de sa difficile production, enrichira et participera à poursuivre l’orientation du genre en  utilisant pour la première fois dans un kaiju-eiga un enfant dans le récit, apportant non seulement son innocent point de vue sur les événements mais participant à créer un lien direct entre le jeune public et le monstre star, et surtout rentrera dans l’histoire de la pop culture en nous présentant un monstre géant marquant, populaire et iconique. 


-MacReady-


Films cités dans l'article et présent sur le blog :

 
 

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