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Noise [Kim Soo-jin]

 


Réalisation : Kim Soo-jin

Année : 2024

Pays : Corée du Sud

Casting : Lee Sun-bin, Han Soo-a, Kim Min-Seok

Durée : 1h33

Note : 3/6 (MacReady)       

 3/6 (Dahlia

Premier long-métrage de la réalisatrice Kim Soo-jin (après un court remarqué) - et présenté au Festival européen du film fantastique de Strasbourg (le FEFFS) dans la compétition internationale de films fantastiques - Noise, beau petit succès en Corée, nous propose du fantôme asiatique mélangé à une petite critique sociétale, suivant ainsi le petit guide du Hideo Nakata (réal japonais entre-autres de Ring et Dark Water, pour les deux du fond) illustré. Le film s’appuie sur un fait social très réel (les complexes d'appartements, leurs constructions nulles et cheap, et les conflits de bruit inter-étages) et transforme un bloc d’immeubles en microcosme chelou où anonymat et pression collective deviennent matière à angoisse et horreur. Pari narratif clair : faire du son le personnage principal. Et ça, franchement, c’est plutôt intéressant et assez ambitieux pour un premier film, et ça rentre parfaitement en adéquation avec les problématiques du perso principal. C'est déjà ça.

 
L’histoire : Ju-young, jeune femme malentendante, enquête sur la disparition de sa sœur. Bientôt, d’étranges bruits et une présence malveillante envahissent l’appartement.

Sur le papier c’est assez intéressant. Et ça se retranscrit concrètement plutôt bien au fond, mais allons-y directement : assez vite, le mystère urbain (immeuble, disparitions, voisins étranges) se mue en hantise un poil trop classique : craquements, silhouettes, confrontations spectrales. Pourtant la liaison avec l'aspect sociétal, social, tient plutôt bien la route. Chaque bruit devient symptôme d’un monde où la solidarité s’est barrée depuis longtemps : les voisins ne sont plus que des numéros, et la moindre plainte vire à la guerre de tranchées. Le problème, c’est que Noise n’ouvre pas vraiment le genre. Kim Soo-jin gère assez bien cette dimension sociale (isolement, rapports locataire/propriétaire, rapports entre voisins, secrets etc), mais la structure reste trop convenue : révélations un peu prévisibles, crescendo attendu. Oui bon. C’est pas nul hein, vraiment pas, mais trop train-train. Quand ça percute, ça marche plus ou moins, mais c'est trop rare. Ça ronronne. Ça pantoufle un peu.

 
La mise en scène, parfois, sait trouver le bon tempo. Pas la radicalité (chiante) d’un Kiyoshi Kurosawa, (Cure, Kaïro, etc...) ni l’élégance d'un Hideo Nakata, comme déjà cité, ou la précision et le sens du glauque d’un Takashi Shimizu (les Ju-on, The Grudge) mais deux-trois séquences sont quand même assez efficaces. Il y a une plutôt bonne gestion de l'ambiance, de la tension. Le handicap auditif est utilisé comme levier narratif (coupures, silences, fragments sonores) - non seulement pour l’horreur, mais participant aussi à la métaphore du repli social qui imprègne le film. Pour un premier métrage, c'est carré, rien à dire. Et c'est cool sur le principe, mais on aurait aimé que le film creuse davantage. Encore une fois, on aimerait que le film aille plus loin dans ses articulations et ses dispositifs. Par exemple l'héroïne utilise une appli sur son tel qui retranscrit en mots les sons qu'elle ne peut pas entendre. Et même si c'est une très bonne idée et que c'est pas trop-trop mal utilisé, ça ne va pas vraiment plus loin, ça reste vite-fait, accessoire. C'est dommage.
 


C'est dommage parce que visuellement c'est pas mal. Le directeur photo, Hong-Gyu Jeon, arrive à styliser la banalité et la sobriété. Il cadre plutôt serré, préfère les plans fixes et les verticales obsédantes - plafonds, fenêtres, corridors - qui enferment le regard et renvoient, enferment le spectateur entre les murs de l’immeuble. La texture des intérieurs donne ce côté très "réel", crade, parfois même en cours de délabrement ou de pourrissement. Il y a une économie formelle assumée, presque austère, qui renforce la claustrophobie. C'est bien joué. Même si l’ombre du J-horror des années 2000 plane quand même, sans mise à jour radicale - plutôt une réactivation polie des codes qu’un riff ambitieux.
 

Par contre, là où Noise se distingue vraiment, c’est évidemment dans la manière dont la bande-son et le sound design reprennent la main : le film compose un espace auditif hyper travaillé dans la construction des différentes couches sonores : nappes basses, grésillements domestiques, voix transformées, étouffées, enregistrements diégétiques intégrés au mix. Les silences sont taillés au couteau, les montées dynamiques visent l'immersion, le malaise physique, et les décalages image/son jouent comme une petite trahison continue — on voit, on lit, on n’est jamais sûr d’avoir entendu. Franchement ça marche plutôt bien.


Niveau cast Lee Sun-bin (vue dans un paquet de dramas et de séries coréennes) porte le tout avec une présence qui ancre le film. Elle dégage une fragilité concrète et une ténacité discrète, ce qui évite que l’ensemble ne bascule dans le cliché. C'est plutôt bien équilibré. Les seconds rôles (Ryu Kyung-soo en voisin menaçant, Kim Min-seok en soutien) restent essentiellement fonctionnels : efficaces pour alimenter l'ambiance, la paranoïa et la menace, mais sans beaucoup d’éclat personnel. Ils remplissent leur rôle d’éléments de décor humain - nécessaires, pas toujours mémorables. Sans Lee Sun-bin, honnêtement, le film aurait été beaucoup plus plat.



Bref, Noise empile des motifs prometteurs (mystère, surnaturel, trauma, voisinage bizarre et flippant) mais malheureusement il manque un je-ne-sais-quoi pour sortir de sa torpeur quelqu'un ayant déjà vu un paquet de films de fantôme asiatique. C'est vraiment pas mauvais, c'est même assez solide, et très appliqué, mais ça reste finalement assez convenu. Je le conseille quand même, parce que c'est loin d'être nul. Mais bon. Pour ma part : moyen, pas déshonorant, efficace par moments, mais narrativement trop balisé pour marquer les esprits.


-MacReady-
 


Film cité critiqué également sur le blog :
- Ju-on

 


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