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The Surrender [Julia Max]

 

Réalisation : Julia Max

Année : 2025

Pays : Canada, États-Unis

Casting : Colby Minifie, Kate Burton, Vaughn Armstrong

Durée : 1h35

Note : 4/6 (MacReady)       

2/6 (Dahlia)

       

Le deuil, le deuil et encore le deuil. C’est un peu la rengaine du cinéma fantastique depuis des décennies, voir depuis toujours. Et dans ce genre, cette thématique précise de vouloir contrer la mort, s'y opposer, on en a vu passer des tonnes : Simetierre de Mary Lambert, Dark Touch de Marina De Van, ou plus récemment Bring Her Back des frères Philippou. Et je ne parle même pas des classiques à la Frankenstein. Donc moui, le thème est assez rabâché, balisé. Mais parfois, il respire un peu à nouveau. "It's alive !"(lol) The Surrender réussit modestement ce tout petit miracle. Premier long pour Julia Max, présenté en compétition au Festival européen du film fantastique de Strasbourg (le FFFS), le film surprend surtout par son ton humain, sa cruauté aussi. Julia Max écrit et réalise : autant dire que ce n’est pas un projet de commande, mais quelque chose de très personnel. Et ça se sent. Chaque plan transpire cette intimité avec le sujet, comme si elle voulait partager un bout de vécu. Et ça, c’est super précieux.

 


L’histoire : Une mère et sa fille, confrontées à la mort imminente du père, se retrouvent entraînées dans un rituel mystérieux qui met à l’épreuve leurs liens familiaux et leur humanité. 

Et c’est là que Colby Minifie (Fear The Walking Dead, The Boys) et Kate Burton (Les Aventures de Jack Burton) entrent en scène. Leur duo fonctionne hyper bien, parce qu’il est avant tout crédible. Elles ne jouent pas des archétypes ou des "fonctions narratives", elles existent. C’est ça qui rend leurs personnages attachants : bourrées de contradictions, elles s’engueulent, se cherchent, se ratent et s’aiment malgré tout. Toute la conflictualité mère/fille est super bien rendue. Bref oui, de l’humain. Et c’est précisément parce que ce quotidien est incarné que la bascule dans le surnaturel fonctionne. Quand ça part en vrille, tu y crois, parce que tu crois déjà en elles. Mine de rien, ça a une certaine valeur, et on se laisse embarquer sans même s'en rendre compte.

 

 

Et justement, quand le surnaturel pointe le bout de son nez, il n’est jamais gratuit. Julia Max ne cherche pas à tout montrer ou expliquer : elle te place dans la peau de la fille, perdue, dépassée par les événements qu’elle ne comprend pas et qu’elle ne croyait même pas possibles. La tension domestique qu’on a déjà ressentie devient le socle de l’angoisse, et le film joue habilement sur le vertige et la désorientation, sans jamais trahir l’intimité des personnages. On ressent le poids de leurs choix, la cruauté des situations, et cette progression dramatique fait que chaque séquence surnaturelle a un impact direct sur notre empathie pour elles. Encore une fois, cette incarnation nous ancre efficacement dans un récit qui oscille habilement entre l’attendu et le mystère. Le fantastique n’arrive pas comme une greffe artificielle, mais comme une prolongation du drame intime. C’est pas non plus révolutionnaire, mais ça fait le taf. En toute humilité. Encore une fois, en toute humanité.

 

 

 Le deuil n’est pas un motif à cocher : il est vécu, incarné, avec maladresse et humour involontaire. C’est cette humanité qui rend crédible le surnaturel et qui fait que chaque frisson, chaque silence, chaque geste compte. On n'est pas devant un pensum finalement assez creux, mais bien dans un trip, un voyage incarné. Julia Max ne joue pas sur une distanciation esthétique. Ici, le deuil est maladroit, plein de ratés, et ça pulse de vie. Les gestes qui trébuchent, les silences gênés, les éclats de colère inattendus, les larmes à contre-temps, ce moment où mère et fille éclatent de rire alors que c'est pas vraiment l'ambiance du moment… tout ça te fait sentir que ces personnages existent en dehors de l’écran. Et c’est précisément cette imperfection qui rend les moments surnaturels hyper efficaces.

 

 

Visuellement, c’est très malin. Début en format 1.85 : resserré, proche, intime, presque étouffant. Puis bascule en 2.39 quand l’histoire s’ouvre et que la solitude devient vertige et angoisse, montrant à quel point les personnages sont désormais minuscules dans un espace qui les dépasse. Ce simple changement de cadre, Max l’utilise pour traduire l’évolution de ses persos. Et ça, c’est vraiment bien vu. L’éclairage, souvent dans la pénombre, accentue le côté tactile des objets et des corps. Tu ne vois pas tout, mais tu ressens tout. Et c’est là que la comparaison avec les Philippou devient éclairante : là où eux fignolent chaque plan comme une vitrine (jolie, mais parfois creuse), Max laisse vivre la chair, l’imprévu, le désordre humain, le presque non discernable, l’indicible. Son film est moins frontal, moins spectaculaire, mais paradoxalement plus impactant. Parce que ses choix de photo, de lumière, de mise en scène, ce changement de format… toute cette approche formelle n’est pas qu’un gimmick technique, mais des choix narratifs efficaces qui maximisent, à mon sens, le côté conte cruel de la dernière partie.

 


Alors oui, bien sûr, The Surrender n’est pas parfait. Le rythme est parfois un peu linéaire, certaines séquences auraient mérité un resserrage, mais tout est rattrapé par l’humanité de chaque instant. Le film respire, il vit, il te tient. Écriture, direction d’actrices, mise en scène, photo : tout concourt à un univers où intimité et horreur se nourrissent l’une l’autre. C’est humble, simple, pas révolutionnaire, loin de là, pas excellentissime, mais très efficace. Julia Max a trouvé une voix, elle sait déjà comment te surprendre et te faire ressentir quelque chose de réel au travers d’un récit fantastique. Franchement, c’est bien joué. Personnellement, je préfère cent fois ce genre de petit film sans prétention, que des trucs un peu froids et pompeux comme Bring Her Back. Qu'est-ce que vous voulez, c'est comme ça.

 

-MacReady-


Films cités dans l'article présents sur le blog :

- Substitution : Bring her Back 

 

 

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