Terrifier 2 [Damien Leone]

 

Réalisation : Damien Leone

Année : 2022

Pays : États-Unis

Casting : David Howard Thornton, Lauren LaVera, Kailey Hyman

Durée : 2h18

Note : 4/6 (MacReady)

 

Précédé d'une sulfureuse réputation dont les effets gore arrosant régulièrement l'écran en auraient - apparemment - traumatisé quelques-uns outre-Atlantique, transformant dès lors les réseaux sociaux en autant de cellules de crise et de soutiens (et de marketing) potentiels, chacun y allant de son partage de photos d'un pote ayant dégueulé et autres anecdotes de personnes ayant dû quitter la salle bras-dessus bras-dessous avec d'interloqués ambulanciers (comme s'ils n'avaient que ça à foutre), le buzz qui a entouré les projections de ce nouvel opus mettant en scène Art The Clown l'a quasi automatiquement propulsé au rang d’événement dans le milieu un peu sage et frileux (voir pompeux) de la production horrifique. Rang mérité, usurpé, exagéré, on va voir ça ensemble. Une chose est sûre : Damien Leone, le réal, doit nager dans le bonheur.

 

L'histoire : Un an après la précédente boucherie d'Art le clown, Sienna Shaw participe à une soirée d'Halloween avec ses amies. Alors que son jeune frère développe une fascination malsaine pour Art, elle finit par croiser la route du clown tueur sanguinaire.

Dès les prémices du projet, Terrifier 2 a bénéficié d'un solide soutien de la fan base de pelloches d'horreur craspecs. Soumis comme le premier film à un financement participatif, le budget s'est finalement élevé à 250 000 $. Une broutille, même pour les standards de la production à faible budget. Une broutille, mais presque huit fois supérieure au budget du premier film et cinq fois plus que ce qui était demandé lors de la campagne de financement. Un succès donc, qui va permettre à Damien Leone de se concentrer pleinement sur le développement sans être obligé d'aller gratter quelques sous en travaillant à droite à gauche dans des jobs à temps partiel. On est encore très loin d'une production "pro", mais un peu plus à l'aise que lors de ses courts métrages et du premier Terrifier. Et cet investissement de temps et de budget va permettre à Leone de développer son histoire, son univers et de peaufiner ses scènes gore, le tout sur une durée de presque 2 heures et 20 minutes (!), affichant une certaine ambition dans le format du "film gore fauché". Et si encore une fois, Leone fait montre d'une débrouillardise et d'un talent indéniable, cette durée va aussi mettre un peu trop en lumière le caractère un peu bancal et les limites de l'entreprise.

 

On va être honnête, lorsqu'on se lance dans un film gore à très faible budget quasi amateur, si on connaît un peu le genre, on est préparé. L'intérêt central, c'est les scènes gore. On se doute bien qu'on va avoir une histoire au développement minimal, une photo aléatoire et des acteurs moyens au mieux. Et ce n'est en aucun cas un défaut, tellement ça participe presque à l'ambiance générale et à l'affection que l'on peut avoir pour le genre. Ce n'est pas un problème. Cela étant dit, lorsqu'on développe son récit et son personnage principal sur 2h20 de film, toutes ces particularités peuvent devenir problématiques. Car ici, rien ne justifie cette durée. Vraiment rien. Pire, la durée conditionne une attente un peu démesurée. Si l'intérêt d'un film gore, c'est le gore, un film du genre de 2h20, on s'imagine une boucherie constante et incroyable. Épique. Et non. Pas vraiment. Alors, le film est très, très, très généreux en scènes gore, vraiment, mais dilué à travers une durée excessive pour pas grand-chose, cela en réduit parfois le rythme et l'impact. C'est dommage.

 

C'est dommage, mais néanmoins pas trop préjudiciable. Encore une fois, on est dans un très faible budget, on en connaît les limites et ça passe large. On ne s'ennuie jamais, le cast s'en tire pas trop mal (même si c'est assez compliqué pour le petit frère), et l'ensemble se déroule de façon assez fluide. L'histoire permet aussi d'enrichir un peu la mythologie entourant Art The Clown, ancrant définitivement le personnage dans un cadre surnaturel (ce qui était déjà entièrement le cas dans All Hallow's Eve, et qui s'était un peu estompé lors du premier Terrifier - hors final bien entendu) et de l'exprimer visuellement de manière vraiment cool. Mieux encore, on a constamment envie d'en voir plus, d'en savoir plus, preuve supplémentaire s'il en est que le personnage de ce clown dégueulasse a un potentiel assez balaise. Parce qu'il est indéniable à ce stade que l'antagoniste bénéficie d'une aura cinégénique qui en impose plutôt méchamment. Il est assez rare, et ce malgré la proposition horrifique actuelle assez importante, de voir un personnage s'imposer avec autant de facilité, de naturel, et devenir une figure horrifique établie. Presque déjà un classique. Je l'avais déjà dit dans un précédent article concernant Art, mais des clowns tueurs, il y en a pas mal. Et c'est déjà assez énorme à la fois pour Leone, mais également pour son excellent interprète (David Howard Thornton) d'imprimer à ce point la pellicule et les esprits avec cet archétype déjà bien exploité.

 

Toujours aussi mutique, immonde, sadique et décalé dans ses mimiques et dans ses apparitions, Leone jouant toujours aussi bien des contre-champs le révélant, ce nouveau boogeyman est et reste la qualité principale et assez enthousiasmante de l'entreprise. Le personnage, mais évidemment aussi ses exactions. Les effets gore sont très réussis, nombreux, variés et assez bien représentés vu le faible budget. Utilisant systématiquement des trucages à l'ancienne, en dur, mais n'oubliant pas pour autant de rajouter certaines incrustations pour rendre ses effets plus efficaces, le rendu global est assez réjouissant. Rien ne fera tourner de l’œil l'habitué du genre, mais certaines scènes font quand même mal. Elles font mal, elles sont très très graphiques, mais il y a également un assez cool équilibre tonal permettant de ne pas non plus s'enfoncer dans les bas-fonds de la glauquitude. C'est sadique et crade, mais ça reste festif. Je vais pas dire non plus cartoonesque, mais il y a quand même une volonté clairement ludique dans l'ensemble. Ludique et généreuse, on imagine clairement les intentions du réal de générer du fun, sans aucune volonté d'être plombant. Le tout sans non plus amoindrir la méchanceté des sévices. Bien équilibré donc. Et cette adéquation entre le personnage, son interprète et le caractère carnavalesque des scènes gore participe à rendre le tout extrêmement attachant, à donner envie de mettre de côté certains défauts inhérents à ce genre de prods, et à louer les véritables réussites de l'entreprise.

 

Parce qu'au final même si Terrifier 2 est précédé d'une aura assez exagérée, exacerbée, il n'en est pas moins vrai que le film de Damien Leone possède des qualités bien présentes, avec un antagoniste toujours aussi cool à suivre, avec un savoir-faire et une débrouillardise toujours aussi efficaces vu le faible budget. Et même si l'on n'est pas dupe, on a quand même très envie de se joindre à la parade célébrant le film. Parce que ça fait plaisir de voir autant de soin apporté à un projet de ce calibre, réussir là où de nombreuses autres prods échouent (comme proposer un nouveau Boogeyman efficace) et voir qu'en plus ça marche. En effet, porté par Bloody Disgusting, le film ne devait être joué en salle qu'une seule semaine aux États-Unis et vu le bouche-à-oreille et la hype, le film fut finalement reconduit sur une plus grande plage de cinéma et sur plusieurs semaines, engrangeant au final 10 millions de dollars sur son sol d'origine et 14 millions si on compte l'international. Une sacrée réussite donc, nous permettant même, à nous petits Français, de le découvrir en salle, en attendant le coffret Blu-ray des trois opus qui sortira bientôt chez ESC Distribution. Rien que pour ça, pour le simple amateur du genre, ça fait plaisir.

 

-MacReady-

 
Films cités dans l'article présent sur le blog :

- All Hallow's Eve

- Terrifier

 

Coffret de la "trilogie" pour le moment en précommande chez ESC Distribution