Réalisation : Motoyoshi Oda
Année : 1955
Pays : Japon
Casting : Hiroshi Koizumi, Setsuko Wakayama, Minoru Chiaki...
Durée : 1h32
Note : 4/6 (MacReady)
Alors pour le premier film, j'avais fait un préambule histoire d'expliquer un minimum d'où venait Godzi, et il me semble nécessaire de le refaire ici aussi pour deux choses. Premièrement faire un peu de pub pour un excellent bouquin sur les Kaiju et sur la science-fiction japonaise des années 50 jusqu'en 80, sorti chez Aardvark Éditions : Kaiju, Envahisseurs et Apocalypses de Fabien Mauro (un bouquin super, hyper riche, hyper complet, plein d’anecdotes, de passages d'interviews, à la mise en page classieuse et aux photos magnifiques) et deuxièmement, et là on revient un peu dans les clous : pour s'attarder un peu sur la réception et l'exploitation du premier film dans le monde avant de nous attaquer à cette suite.
Gojira sort le 3 novembre 1954, précédé d'une campagne promo assez balaise, et c'est un immense succès commercial au Japon. Les États-Unis, intrigués par le film - et leur permettant aussi de sortir une cartouche facile à l'heure où, comme je le disais dans le précédent article sur le roi des kaiju, la science fiction et le film de monstre fonctionnent pas mal sur le territoire - les États-Unis disais-je achètent donc les droits du film pour une bouchée de pain et, contractuellement, acquièrent la possibilité d'en faire un peu ce qu'ils veulent. Ils s'en privent pas.
Gojira devient Godzilla, un nouveau montage est effectué, des scènes et des dialogues coupés (le film passe de 98 mn à 80 mn) notamment tout ce qui pourrait paraitre trop engagé ou faisant trop référence à l’holocauste nucléaire, l'histoire est remaniée, et de nouvelles scènes sont même tournées pour recentrer le film sur un nouveau protagoniste (américain) incarné à l'écran par Raymond Burr - et non pas Barre, c'est important. L'histoire nous propose donc de suivre le reporter Steve Martin joué par Raymond Burr (au début ils voulaient engager Steve Martin pour jouer Steve Martin, et puis ils se sont dit que c'était complétement con puisque personne ne le connaissait encore et que de toute façon il n'avait que 10 ans à l'époque ce qui aurait été assez moyen crédible pour un reporter) reporter donc faisant escale au Japon pour aller rendre visite à son vieil ami le Docteur Serizawa, et blablabla, notre lézard géant préféré émerge, et l'intrépide reporter couvrira les événements. Le film sort en 1956 sous le titre Godzilla King of the Monsters ! et rencontre quand même un bon petit succès sympa. Pas bégueule, la Toho sortira même cette version sur son territoire en version anglaise et sous-titré en japonais, histoire de gratter quelques pièces supplémentaires.
Le film sort au cinéma dans le monde entier, même chez nous en 57 sous le titre Godzilla, le monstre de l’océan Pacifique et attire quelques 835.511 spectateurs (c'est très précis) ce qui est quand même assez ouf, je trouve, dans la France de René Coty et de Guy Mollet.
Bien. On referme la partie réception/version Burr et back to Japan en 54.
La Toho est évidement ravie du succès du film et commande une suite au producteur Tomuyuki Tanaka, à lancer le plus rapidement possible, genre hier. Tanaka se sort donc les doigts comme un gros barbare pour bosser comme un ouf psychotique sous stéroïdes (au japon on appelle ça un lundi comme un autre), supervise l'écriture et bloque l'équipe de tournage, monte et lance la production (avec cette fois Motoyochi Oda à la réal, Ishiro Honda étant déjà reparti sur un autre tournage) et le film sort 6 mois plus tard (!)
Alors cette fois nous suivrons principalement deux aviateurs survolant les eaux car bossant pour une compagnie de pèche (les poissons, pas les fruits, sinon ça n'aurait aucun sens de survoler la mer, soyez pas cons) et qui tomberont par hasard sur une petite île où ils découvriront Godzilla entrain de se fighter avec un autre monstre géant. Suite au combat, les deux gros culs (les kaiju, pas les pilotes) tombent à l'eau et disparaissent. Les pilotes retournent à Osaka, préviennent les autorités et tout le monde se prépare au retour imminent de Godzilla et de son nouveau copain.
Oui vous avez bien lu, c'est historique, nous assistons bien au premier versus de Godzilla à l'écran, et l'heureux compétiteur se nomme Anguirus.
(on le reverra ensuite très très souvent - que cela soit très rapidement en bref cameo de quelques secondes ou de manière plus importante - au cours de la saga, puisqu'il est aussi dans Destroy All Monsters en 68, dans All Monsters Attack en 69, Godzilla vs. Gigan en 72, Godzilla vs. Megalon en 73, Godzilla vs. Mechagodzilla en 74 et enfin dans le film anniversaire de Kitamura : Godzilla: Final Wars en 2004) (bref, c'est peut-être pas le plus populaire chez les fans, c'est pas une méga star, mais il a sa place quand même dans le panthéon des monstres géants Japonais et des adversaires notables du Roi des Monstres)
Alors le film, et on le sent rapidement, opère un changement de ton par rapport au premier, évidement pas aussi radical que ce qui suivra, mais quand même assez notable. Stop au coté mélancolique dramatique, voir dépressif, du film de Honda, ici place à l’action, à l'aventure et au positivisme. Bien sûr il y a des évocations notables (un personnage observe de loin un immense nuage de poussière s'élevant dans le ciel provoqué par le deuxième combat entre Godzi et Anguirus à Osaka, nuage pouvant évoquer une sorte de champignon atomique), mais le but on le sent clairement n'est pas de faire bader. Et même dans les quelques moments dramatiques comme la destruction d'une ville, l'ambiance s'articule plutôt en mode "c'est pas grave, main dans la main nous pouvons tout reconstruire", de même si l'on retrouve un acte héroïque sacrificiel - pouvant même évoquer les Kamikazes de la seconde guerre mondiale - celui-ci est beaucoup moins traité de manière désespérée que celui que l'on pouvait avoir dans le premier film.
Et le film alors, ça vaut quoi ? Hé bah c'est plutôt sympa. Bien sûr on est loin de la puissance du premier film, mais ça se suit tranquille, c'est rythmé, les perso sont cools, le combat principal entre Godzi et Anguirus est pas trop trop mal - même si évidement vu l'époque et les moyens ça reste limité - et ce combat arrive relativement tôt, vers 40 min de film (le reste ça sera juste les humains versus Godzi) bref, le tout se déroule sans trop d'accro. L'idée déjà exposée dans le paragraphe précédent c'est à dire de réorienter le tout plutôt vers l'action et l'aventure n'en est pas une mauvaise, c'est bien mené dans l’exécution, et Oda emballe le tout sans grand génie mais avec efficacité. Après, je ne sais pas si hors fan ou si hors complétiste obsessionnel je le conseillerai (peut-être passer directement au quatrième film je pense : Mothra vs Godzilla de 64) mais franchement ça reste sympa et on passe pas un mauvais moment devant, au contraire.
- MacReady -
Disponible chez Metropolitan Filmexport
Film cité dans l'article disponible sur le blog :
- Godzilla
Impeccable et très bon article, c'est quoi le prochain ?
RépondreSupprimerYes, cool, merci, c'est sympa.
SupprimerAlors le prochain on arrive en 56 donc ça sera Rodan d'Ishiro Honda. (le semaine pro normalement, un kaiju par semaine quoi, les mardi, parce que... pourquoi pas.)