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Réalisation : Bryn Chainey
Année : 2025
Pays : Royaume-Uni, Etats-Unis
Casting : Dev Patel, Rosy McEwen, Jade Croot
Durée : 1h37
Note : 3/6 (MacReady)
3/6 (Dahlia)
Bryn Chainey, cinéaste gallois passé par le court-métrage expérimental, signe Rabbit Trap - présenté au Festival européen du film fantastique de Strasbourg (le FEFFS) dans la compétition internationale de films fantastiques - qui marque son premier long métrage. Dans ses interviews, il parle beaucoup de mythologie galloise (il a étudié ça pendant des années), de folklore et de champignons magiques (enfin, presque). En vrai, l’idée de départ est plutôt élégante : créer un lien, un pont, entre le son, écho fantomatique, qui se loge en soi et le folklore local en miroir d’un trauma personnel. Avec une discrète mais quand même présente volonté de vouloir rendre un peu hommage aux pionnières de la musique électronique - Delia Derbyshire, Laurie Spiegel, Suzanne Cianni - ces femmes qui faisaient chanter les machines avant que ça devienne cool. Et tout le concept de Rabbit Trap repose là-dessus : le son comme porte d’entrée vers l’invisible. Plutôt ambitieux.
L’histoire : Deux musiciens s’isolent dans une maison au cœur du pays de Galles pour enregistrer des sons anciens. Mais peu à peu, leurs expérimentations réveillent une présence enfouie, entre la terre et leurs souvenirs.
Alors évidemment, avec un pitch comme ça, on capte assez vite que Rabbit Trap va jouer la carte de la sensation et du suggestif plutôt que d’épouser le déroulement classique. Plus jouer la carte du trip évanescent que de l'histoire basique. C'est un style. Deux personnes qui collectent le monde, et se prennent leurs fantômes sonores en pleine gueule. Dev Patel (The Green Knight, Slumdog Millionaire) et Rosy McEwen (Blue Jean, Vesper) tiennent bien le truc. Jade Croot (excellente, touchante, très beau boulot), jouant "L'enfant", androgyne, sensible et étrange, parfois inquiétante, est le point d’équilibre. Mais le vrai héros, c’est le son : bourdonnements, fréquences, souffle, grésillements, oscillations, bruits des feuilles et des arbres, de la nature et de ce qu'elle cache. Ou de ce que l'on cache en soi. Perso, j'aime bien cette logique du son comme protagoniste. Un peu perché, mais ça tient debout. C'est assez hypnotique.
Visuellement, c’est très soigné. Le 35 mm donne ce grain dense, presque moite, qui colle à la peau du film, qui fourmille, presque matière vivante. Le problème, c’est que cette recherche d’atmosphère finit parfois par tout bouffer. On admire, mais on reste un peu dehors. L’émotion, elle, circule mal. L’Enfant, interprétée par Croot, incarne joliment cette tension entre abstraction et chair, mais elle reste une idée plus qu’un vrai personnage. Oui bon, c’est un choix, ok, mais un choix qui crée de la distance. Reste néanmoins que l'image, la lumière, les cadres, sont immersifs, et très maitrisés participant également au coté envoûtant, ensorcelant de l'ensemble.
Parce que sur le fond, c’est une histoire de manque. De désir d’enfant, de culpabilité, de souvenirs qui se déforment, qui résonnent, comme l'écho d'un son qui nous hante. L’Enfant devient la trace de ce qui a été perdu, ou jamais eu. Pas non plus un simple gimmick, mais comme oreille vivante, un miroir, un désir, un catalyseur. Sa présence convertit des fréquences en présages ; ses silences valent souvent plus que les dialogues. Là où le couple oscille entre création et isolement, l’Enfant surgit comme point d’ancrage mythologique et émotionnel ; c’est souvent par lui que le film retrouve une chair.
Tout ça a du cœur, mais aussi des problèmes. C’est beau, mais un peu trop suggéré à l’écran. Le film préfère murmurer que parler, et à force de murmurer, parfois, il s’endort un peu. Bon, je chipote un peu en faisant mon malin, mais on aimerait que ça craque un peu plus, que ça déborde, un peu plus de folie quand même. Sans non plus s'attendre à voir débarquer tout un panthéon de monstres et d'entités folkloriques, ça n'aurait été pas hors sujet, mais complètement déplacé, décalé, avec les intentions affichées dès le départ. Mais oui on reste quand même un peu sur sa faim. Et certaines clés de compréhension de la métaphore, sans non plus dire que c'est incompréhensible, auraient mérité de sortir un tout petit peu du suggéré, du métaphorique.
Bref, Rabbit Trap hypnotise et est plutôt séduisant et intéressant, mais il reste un essai sensoriel qui peine à se transmettre, à s'incarner complètement de manière convaincante, à dépasser sa simple valeur alégorique. Les moyens - la mise en scène, le travail sonore (évidemment), la photo - sont maîtrisés et le cast est super. Le film a sa singularité, il a du cœur, il a une âme. Mais j'aurais aimé qu'il soit juste un tout petit peu plus incarné.
-MacReady-
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