Année : 2024
Pays : Etats-Unis, Allemagne
Casting : Hunter Schafer, Dan Stevens, Jan Bluthardt
Durée : 1h42
Note : 4/6 (MacReady)
2.5/6 (Dahlia)
Tilman Singer, cinéaste allemand remarqué avec Luz en 2018, nous revient avec Cuckoo - présenté au Festival européen du film fantastique de Strasbourg (FEFFS) dans la catégorie Compétition internationale de films fantastiques - un projet beaucoup plus ambitieux que son premier long, et je dois dire assez maîtrisé. Réalisation solide, casting assez cool - mené par la jeune Hunter Schafer (excellente), et un scénario à la fois étrange, déroutant, donc assez intriguant.
L'histoire : Gretchen, 17 ans, quitte à contrecœur sa maison américaine pour aller vivre avec son père qui vient d'emménager dans une station des Alpes allemandes avec sa nouvelle famille. Très vite, Gretchen est tourmentée par des bruits et des visions étranges...
Alors déjà, si jamais vous avez une certaine affinité pour les films qui flirtent avec l’étrange, l’insaisissable, et qui vous laissent une petite sensation de malaise et d’incertitude, quand bien même le film prendrait son temps quitte à risquer de vous laisser sur le carreau, alors Cuckoo est probablement fait pour vous. Dès les premières minutes, Tilman Singer nous plonge dans une atmosphère épaisse, empreinte d'étrangeté et de mystère, où la normalité semble vaciller à chaque instant. Il y a, il me semble, une bonne grosse dose d'influence de Dario Argento dans tout ça. Pas tant visuellement - quoique ; et puis de toute façon ça se discute, le réal Italien ayant expérimenté des styles assez différents (pour le pire et le meilleur) tout au long de sa carrière - mais dans la menace du film et la manière dont elle nous est peu à peu présentée, dans le coté presque onirique de ce glissement chelou de ce qu'on pense être la normalité, la réalité, et évidement jusqu'au ce principe même d'une étrangère débarquant dans un environnement européen étrange, plein de bizarreries et au sein d'une communauté cachant des secrets. On pense évidemment aux bases scénaristiques de Suspiria, Inferno, mais surtout l'excellent (et super sous-estimé à mon sens, pas assez mis en avant en tout cas) Phenomena. Manque peut-être une mise un peu plus en avant de ces plongées dans le conte de fée violent et gore, baroque et macabre propres à Argento - même si c'est néanmoins présent, mais beaucoup plus en retrait. Plus minimaliste, plus subtil peut-être, mais néanmoins présent.
Il y a un chouette côté imprévisible dans ce film, désarçonnant et donc assez frais. Ce jeu constant entre minimalisme et brusques ruptures bizarres - parfois par petites touches, des détails, et parfois de manière plus spectaculaires, impactant comme dit la réalité même ou, en tout cas, la perception de la protagoniste principale de cette réalité - tous ces éléments concourent à rendre le tout extrêmement accrocheur et, malgré la relative lenteur de la mise en place de l'ensemble, on se retrouve néanmoins assez facilement plongé dans ce récit, à constamment se poser des questions. On est laissé dans l’incertitude : sommes-nous face à une menace réelle, humaine, ou quelque chose de plus mystérieux, de plus ancien, de plus primitif ? C’est ce jeu sur la réalité et le fantastique, cette frontière floue entre le rationnel et l’irréel, qui donne à Cuckoo toute sa force narrative et sa volonté d'implication.
En parlant de force et d'implication, impossible de ne pas souligner également la performance de Hunter Schafer. L’actrice, surtout connue pour ses rôles plus dramatiques (notamment dans la série Euphoria), s’avère ici être un choix parfait pour incarner cette héroïne perdue dans un univers qui semble la dépasser. Sa fragilité apparente, combinée à une détermination qui ne fait que croître au fur et à mesure que l’histoire avance, donne à son personnage une profondeur qui le rend immédiatement attachant. Schafer apporte une humanité brute au milieu de cette folie, un point d’ancrage pour le spectateur dans ce chaos chelou. À ses côtés, Dan Stevens (remarqué surtout à la télé pour son rôle dans les séries Downton Abbey et Legion, et vu récemment au cinoche dans Godzilla X Kong et dans le très sympa Abigail) est très bon lui aussi, créant un personnage ambigu à la fois charmant, limite mielleux et donc au sein de tout ça, forcément inquiétant.
Visuellement, c'est très solide. S'exprimant dans un 2:35 plutôt bien géré, filmé en 35 mm, ces choix esthétiques confèrent au film une texture particulière, presque granuleuse, et à travers des cadres plutôt soignés, le tout renforce cette atmosphère de rêve éveillé. Chaque plan est millimétré, et la photographie, souvent froide et clinique, contraste avec les moments de tension et de chaos qui surviennent. Il y a aussi un soin particulier apporté à la bande-son. La musique, avec ses accents gothiques, semble toujours en décalage, créant une dissonance qui accentue le malaise général. L'ensemble, autant à travers les articulations de son récit que de ses expressions visuelles, techniques, donne un cachet, une fraîcheur, une singularité pas exempte de défauts, certes, mais néanmoins assez appréciables. C'est vraiment cool.
Cela dit, tout n’est pas parfait dans Cuckoo. Si l’on devait formuler un reproche, ce serait peut-être un scénario qui pourrait perdre certains spectateurs en route, qui aurait peut-être mérité une petite phase de réécriture, élaguant un petit peu certaines scènes, maximisant les impacts. On a parfois l’impression qu'il prend un peu trop son temps. C'est bien rythmé, perso je ne me suis pas du tout ennuyé, au contraire. Mais parfois, on se demande néanmoins si le tout n'aurait pas mérité d'être plus optimisé, plus resserré, nous laissant moins longtemps dans le vague, le flou. Après, est-ce un défaut ou une force ? Je penche de mon coté pour la deuxième option, cette perte de repères, ce côté labyrinthique et déconcertant, instable, participe aussi au sentiment d’étrangeté que le film veut créer. Mais ça ne plaira pas à tout le monde.
Bref, Cuckoo n’est peut-être pas le film d’horreur le plus accessible ou le plus conventionnel, c'est sûr. Il ne fera pas l'unanimité, même chez les fans du genre. Mais il faut reconnaître néanmoins ses nombreuses qualités. Ce côté frais, original, ce jeu à la Dario Argento de plongée dans un lieu éloigné et confiné dans une Europe mystérieuse, porté par un cast très bon et un sens du visuel vraiment efficace. Un film qui a des défauts, ouais, bien sûr. C'est indéniable. Mais qui reste vraiment intéressant.
-MacReady-
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