L'Exorciste : Dévotion [David Gordon Green]

 

Avis L'Exorciste Dévotion The Exorcist Believer David Gorden Green Blumhouse

Réalisation : David Gordon Green

Année : 2023

Pays : États-Unis

Casting : Leslie Odom JR., Ann Dowd, Lidya Jewett

Durée : 1h51

Note : 3/6 (MacReady)

 

 Co-production entre Blumhouse, Morgan Creek, avec Universal Pictures à la distribution - dont ses seuls coûts montent quand même à 400 millions de dollars, et tout cela, au vu de la tournure prise par le reste de la franchise, sous la seule aura du chef-d'œuvre de Friedkin - entièrement développé par David Gordon Green et son équipe déjà présente sur l'excellente trilogie Halloween, L'Exorciste : Dévotion (ou The Exorcist : Believer en vo) premier opus d'une trilogie, avait déjà, de base, de quoi inquiéter. De par le genre déjà, extrêmement limité dans ses codes et son imagerie, surexploité à travers un nombre incalculable de projets en tout genre, mais également par l'angle dit "legacyquel", qui consiste à oublier toutes les déclinaisons d'une saga pour proposer une suite à l'œuvre d'origine. Tout cela, et même pour un fan du travail accompli sur les Halloween, n'inspirait pas une totale et aveugle confiance. Le défi semblait particulièrement compliqué. Alors, au final, défi relevé ? En partie, mais ça coince quand même un peu.

L'histoire : Depuis que sa femme, enceinte, a perdu la vie au cours d’un séisme en Haïti douze ans plus tôt, Victor Fielding élève, seul, leur fille Angela. Un jour, Angela et son amie Katherine disparaissent dans les bois avant de refaire surface 72 heures plus tard sans le moindre souvenir de ce qui leur est arrivé... Dès lors, d’étranges événements s’enchaînent et Victor doit affronter de redoutables forces maléfiques.

 

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Ce prémisse servira à ancrer le développement narratif sous un angle assez bien agencé, à défaut d'être original, mais suffisamment maîtrisé pour que tous les éléments créent une dynamique interne efficace entre les personnages. Évidemment, principalement en ce qui concerne ce père et sa fille, et notamment à travers la récurrence de la notion de choix. Traumatisme initial, élément rabâché mais ici subtilement agencé, cette notion de dilemme, de choix, justifiant même la décision de présenter non pas un enfant possédé mais bien deux, participe par l'incarnation même à créer une caisse de résonance, un écho à ce motif, propice à se répercuter jusqu'à son final, et à proposer, encore une fois, non pas quelque chose de follement original mais permettant une accroche pertinente et fonctionnelle. Le film, sur bien des aspects, peut clairement se montrer maladroit et boiteux, mais en ce qui concerne son principe, cela fonctionne plutôt bien. Comme déjà dit en intro, le genre même du film de possession se montre déjà de base très limité, redondant, mais ici, pratiquement grâce à ce seul point, The Exorcist : The Believer se suit même avec un vrai plaisir. 

 

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Pour le reste, ça galère un peu. Notamment le caractère legacyquel. Parce que honnêtement, il ne sert pas à grand-chose. Bien sûr, difficile de juger ce point précis car, contrairement aux Halloween - qui se sont développés déjà à travers un simple projet, le premier, et qui vu son succès fracassant a entrainé deux suites - le projet initial ici est bien de développer une trilogie dés le début, donc forcément. Mais quand même, ce n'est pas très intéressant ou utile tout ça. Même comme présentation pour les éventuelles suites. Déjà dans la mise en scène, si ce n'est pas déconnant de construire certaines séquences en gonflant une espèce de malaise ou d'angoisse s'exprimant à travers la saturation d'un son extérieur (des marteaux-piqueurs, par exemple) atteignant leur paroxysme avant de couper à la séquence suivante dans le silence - procédé évoquant évidemment le film de 1973 - tout ça reste quand même assez superficiel. Pareil pour l'utilisation de la fraction du Tubular Bells de Mike Oldfield, devenu le thème du film de Friedkin, c'est sympa, ça fait un petit effet, mais au final c'est tellement facile et attendu que ça flop quand même un peu. Comme dit : superficiel, artificiel. Pas nul, mais pauvre. Ces éléments ne servent presque à rien. Et quant à la pauvre mamie Ellen Burstyn (91 ans quand même), même si sa problématique est elle-même aussi quelque part une récurrence du motif de la problématique du choix, au fond elle aurait été là ou pas, ça aurait été pareil tellement elle est annexe à l'histoire. C'est quand même con.

 

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Ensuite, il manque vraiment, à mon sens toujours bien sûr, un lien, un liant, presque sociétal, si on peut dire. Parce que tout l'intérêt du Friedkin, ce qui est vraiment flippant, ce n'est pas la possession, c'est tout ce qu'il y a autour. Solitude, pauvreté, deuil, culpabilité du côté du père Karras et de sa mère ; maladie, examens médicaux comme autant de séances de tortures, folie, impuissance à protéger ou sauver un proche, son enfant, du côté de Burstyn. Tous ces éléments participant à nous montrer frontalement la tristesse, la crasse, le désespoir, le chaos auquel on essaie péniblement de trouver du sens, la misère, bref le Mal réel dans lequel on évolue, et qui sert presque de moteur au Mal mythologique - au diable, au démon, à Pazuzu, peu importe - à s'incarner. Ici, et pardonnez-moi l'expression : peau de zob. C'est dommage putain. C'est d'autant plus dommage que ça tente quand même d'évoquer des trucs. Par exemple, lorsque l'on retrouve les gamines, elles passent évidemment par la case hosto, et par des examens forcément intrusifs et traumatisants puisque servant à déceler éventuellement une preuve de viol. Et c'est hyper intéressant, mais ça ne va pas plus loin. Et c'est dommage de ne pas avoir invoqué ça plus frontalement. Qu'est-ce qui, à notre époque, à travers des dizaines et dizaines d'affaires toutes plus sordides et immondes les unes que les autres, peut le mieux exprimer le Mal réel, concret, absolu, que le viol d'un enfant ? Ce qui peut clairement, en plus, être raccordé avec l'idée même de possession. On parle quand même d'un démon qui pénètre et manipule des enfants. C'est dommage de présenter mais de ne pas pour autant jouer cette carte, d'appuyer ce parallèle. D'éviter à ce point le glauque de notre époque, d'éviter de créer une couche de malaise sous-jacente, un terreau propice à l'incarnation du fantastique, du surnaturel, du mythologique et de ne s'en remettre qu'à la seule possession comme vecteur et comme représentant du mal.  

 

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Donc voilà, c'est dommage. Le film est vraiment loin d'être nul ou honteux, c'est peut-être même clairement la meilleure suite à ce jour de la franchise. Il est plutôt bien construit, bien rythmé, les personnages fonctionnent, on ne s'ennuie pas. Cette problématique, ce moteur qu'est le dilemme initial, ce choix, cruel par essence et par son incarnation, sa résolution, plutôt bien filé, traité, exploité, et tout aussi cruel. C'est bien fait. Le film réussit même à résoudre les différentes difficultés liés au genre dans lequel il s'inscrit et à l'époque, la notre, où il est tourné. L'exorcisme en lui-même est sympa. C'est honnête. Mais le film manque de liant, d'impact, il se montre fébrile, fragile, boiteux, un peu froussard. L'aspect legacyquel ne sert pas à grand-chose - en tout cas à l'aune de ce premier film, premier film qui n'a pas performé de ouf au box-office et qui s'est un peu fait tomber dessus par toutes les critiques, ce qui fait que du coup ça doit être le branle-bas le combat pour re-conceptualiser tout ça, et peut-être sans David Gordon Green, ce qui est vraiment con parce que j'ai vraiment envie de voir où tout ça nous emmène ou nous aurait emmené. (Le dossier de presse et diverses interventions de l'équipe du film nous en disent plus sur l'entité du film : Lamasthu, une démone de la mythologie Mésopotamienne, comme Pazuzu, démone assoiffée de sang qui s’en prend en priorité aux femmes enceintes et aux nouveau-nés, et qui était justement opposée à Pazuzu, qui était souvent invoqué pour contrer le pouvoir de Lamasthu : aurait-on/allons nous voir cette opposition dans les suites ? On verra). En tout cas voilà, The Exorcist : Believer c'est compliqué. Pas dégueulasse, je le rematerai avec plaisir, vraiment, il a un je-ne-sais-quoi d'attachant, mais pas non plus une franche et indiscutable réussite. Plus qu'à attendre - et croiser les doigts - pour savoir dans quelle direction prendra la suite de l'aventure ou si elle s’arrêtera là pour Green et pour l'histoire qui était prévue d'être racontée.


-MacReady-


Critiques des films de David Gordon Green présentes sur le blog :

- Prince of Texas

- Halloween

- Halloween Kills

- Halloween Ends

 

 

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