Halloween Ends [David Gordon Green]

 

Halloween Ends David Gordon Green Critique

Réalisation : David Gordon Green

Année : 2022

Pays : États-Unis

Casting : Jamie Lee Curtis, Andi Matichak, Rohan Campbell

Durée : 1h51

Note : 5/6 (MacReady)

 

Terminant la trilogie initiée en 2018, réunissant une fois encore devant et derrière la caméra la même équipe, Halloween Ends opère un dangereux jeu d'équilibre et propose l'impossible : approfondir comme aucune suite ne l'a jamais fait auparavant le concept initial, sa base, et offrir une réussite autant fragile que précieuse. Autant prévenir tout de suite, sans non plus rentrer dans les détails, ça va quand même spoiler.

L'histoire : Quatre ans après sa dernière rencontre avec le tueur masqué Michael Myers, Laurie Strode vit avec sa petite-fille et tente de terminer ses mémoires. Myers n'a pas été revu depuis, et Laurie décide enfin de se libérer de la rage et de la peur et d'embrasser la vie. Cependant, lorsqu'un jeune homme est accusé du meurtre d'un garçon qu'il gardait, cela déclenche une cascade de violence et de terreur qui oblige Laurie à affronter le mal qu'elle ne peut contrôler. 

 

Halloween Ends David Gordon Green Critique


Le mal chez Carpenter a toujours été une entité dont le but ultime s'exprime au-delà de la simple destruction d'autrui, du simple meurtre. Il y a pire  que la mort, il y a la corruption, la contamination. The Thing, Christine, Prince des Ténèbres, Invasion Los Angeles, L'Antre de la Folie, Vampires, Ghost of Mars, ils s'articulent tous autour de cette simple idée, de ce concept. La trilogie Halloween de David Gordon Green épouse totalement cette vision et joue avec tout le long de ses trois opus. Que cela soit la contamination du réel par la simple présence du masque de The Shape ou par la fascination et corruption du psy de Myers dés le Halloween de 2018 ; ou encore par la contagion d'une ville entière dont The Shape, véritable trou noir dont la gravité intense de sa simple présence attire, plie, déforme, devenant dés lors le centre absolu de tous les enjeux d'Hadonfield et transformant ses habitants en une meute assoiffée de sang - son reflet, avec ses nombreux plans en transparence où se superpose masque et ville au loin - une transformation disais-je permettant de nourrir la bête en la rendant encore plus abstraite et indestructible dans Halloween Kills, la contamination était déjà au cœur de tous les mécanismes. Dans cet ultime opus, Green - dans un geste éminemment courageux par le caractère casse-gueule de son angle d'attaque - va décider de s'y confronter encore plus frontalement.

 

Halloween Ends David Gordon Green Critique


Michael Myers n'est pas le mal, il n'est rien, ce n'est qu'un nom parmi d'autres, un vaisseau. Le mal c'est The Shape, et comme nous le dit Laurie "evil doesn't dies, it changes shape". Par un jeu d'évocation mythologique archétypale d'une justesse foudroyante - un jeune homme corrompu par le mal devenant une goule s'extirpant d'un cimetière moderne (la casse de voitures) pour aller nourrir la bête cachée sous la ville, sous un pont, monstre de contes de fées, dans une relation d'interdépendance, le nourrissant, mais s'en nourrissant également dans le but d'en prendre sa place, d'en voler son pouvoir, sa force, vampirisant le vampire dans sa crypte, figure devenue quasi minérale, dévitalisée à l’extrême, statufiée - Green va prendre tous les risques, rompre avec toutes les attentes. Et ce jeu de funambulisme, d'équilibriste, par sa fluidité autant conceptuelle que dans son exécution, par la cohérence thématique capitalisant sur des idées présentes dés le premier et prenant d'épisode en épisode encore et toujours plus de place, laisse pantois. Il aurait été tellement simple de faire une suite facile. Rien de ça ici. Et cette réussite n'en est que d'autant plus prodigieuse.  

 

Halloween Ends David Gordon Green Critique


Nous le voyons tous d'ici : beaucoup de personnes reprocheront sans doute la mise en retrait de Myers dans l'histoire. Mais comme dit, Myers n'est qu'un nom. Et The Shape est par contre lui plus que jamais au centre de tout. Par ce procédé, on pourrait même y voir une espèce d'origin story à rebours - autre balle avec laquelle Green jongle habilement. Toujours plus fantastique, surnaturelle et abstraite, on pourrait voir dans cette transmission un cercle, une boucle, dont les derniers plans du film, renvoyant à ceux du film de Carpenter, permettent d'exprimer l'idée primordiale : le mal n'est pas un nom, n'est pas un corps, il est partout, invisible, caché dans le hors champs, pouvant contaminer n'importe qui, se nourrissant du pouvoir que la rumeur lui donne, que le regard des autres lui apporte. Qui dépérit lorsqu'on lui tourne le dos - comme tout bon boogeymen qui se respecte - et qui renait, se transforme, se renforce, se multiplie, lorsqu'on le nourrit de peur, de haine, de violence. Ce respect pour le film initial de Carpenter et tout ce qu'il véhicule - respect pour toute sa filmographie d'ailleurs, le film faisant plus que citer frontalement à de très nombreuses reprises (jusqu'au nom du gamin, Cunningham, sans même parler du destin de Myers) un autre chef-d'œuvre de Big John : Christine -  et le naturel incroyable que Green a à ne jamais hésiter à aller là où on ne l'attend pas, à proposer quelque chose à la fois d'ambitieux et de personnel, et réussir à rester cohérent, à toujours creuser plus profond les concepts déjà établis dans ses autres épisodes, entérinent, apportent le point final  : ce mec est brillant. Encore une fois, il aurait été tellement simple de faire une suite facile et ne jamais rien apporter, ne jamais rien traiter, rester à la surface des choses. Et c'est le problème que rencontrera le film dans la perception critique : beaucoup, à mon sens, resterons à la surface.

 

Halloween Ends David Gordon Green Critique
 


J'aurais encore tellement à dire sur ce film et sur cette trilogie. Sur le caractère presque émotionnel de cette confrontation finale, sur la procession de cette ville accompagnant, élevant, portant à bout de bras son ancien cauchemar vers sa finalité, lui qui a été intrinsèquement ce qui les constituait, ce qui les définissait. Sur le rapport entre monstre et victime (psycho and freak show) sur ce qui les lie, les rapproche, frontière de plus en plus floue et poreuse, terreau propice à l'infiltration, à l’écoulement du mal se transvasant d'une partie à l'autre. Sur les imageries fantastiques et les concepts mythologiques archétypaux flirtant avec le dark conte de fées primaire, et en nous le balançant comme ça, gratos, comme si ça coulait de source, avec aisance et sans non plus l'appuyer lourdement avec emphase, ce gorgeant de sa propre intelligence, non comme ça, tranquille. Sur le ton et l'ambiance qui se dégage de la ville d'Haddonfield, de ses habitants, de sa géographie et de cette petite touche que n'aurait pas renié Stephen King dans ses meilleurs moments. Sur les personnages et leurs parcours, sur Jamie Lee Curtis, géniale, superbe, aussi forte que touchante, sur le caractère intime, doux, fragile de la première partie, sur les meurtres. Et évidement sur tous ces éléments jamais traités, jamais abordés - ou de manière encore une fois superficielle - dans aucun slasher. Je l'ai déjà dit, je l'ai répété et je le refais encore une fois et le signe : cette trilogie est brillante et offre à l'alpha du genre un traitement total et presque parfaitement  présenté et exécuté.

 

Halloween Ends David Gordon Green Critique
 
Halloween Ends se présente donc comme une conclusion géniale à cette entreprise d'approfondissement du concept initial apporté par Carpenter. Non seulement respectueuse, mais creusant toujours plus profond ses concepts, sa représentation, ses propositions, ses évocations, ses symboliques. Dépassant l'hommage facile, n'ayant jamais peur de prendre constamment tout le monde à contre-pieds, proposant trois films toujours différents les uns des autres mais pourtant toujours éminemment cohérents non seulement avec le film de 78, mais également avec ceux de 2018 et de 2021, ce film, cette trilogie - d'hors et déjà injustement méprisée voir moquée par une grande majorité - s'impose comme une exception au sens le plus total, le plus absolu du terme. Oui il est possible de faire des suites efficaces et ambitieuses à un chef-d'œuvre 40 ans après, et, mieux encore, par sa compréhension de ce qui est abordé et est véhiculé par ce chef-d'œuvre, à approfondir comme aucune suite ne l'a fait avant, et à s'élever à son niveau, voir le dépasser par sa richesse.

 Respect.


 

-MacReady-

 

Films cités dans l'article présents sur le blog :

- Halloween (2018)

- Halloween Kills

 

 

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