Année : 2024
Pays : Etats-Unis
Casting : Cailee Spaeny, David Jonsson, Archie Renaux
Durée : 1h59
Note : 4/6 (MacReady)
2/6 (Dahlia)
Fede Alvarez, réalisateur connu pour son super remake plutôt vénère de Evil Dead et l'excellent thriller bien tendu Don't Breathe, se voit attribuer une mission presque suicidaire : redonner un coup de neuf à la franchise Alien. Déjà, de base, c'est compliqué. La saga possède des codes et une esthétique ultra spécifiques ne permettant pas, à mon sens, d'être continuellement, perpétuellement, transcendés. Donc il aborde son projet avec intelligence : on va déjà essayer de faire un bon film. Malin. Riez pas hein, beaucoup l'oublie. Avec Alien Romulus, sixième volet de la série, Alvarez, après les préquels nuls et cons de Scott, Prometheus (fascinant tellement tout le monde, derrière et devant la camera, est à l'ouest dans ce film) et Alien Covenant (que j'aime bien, celui-là : c'est tout aussi nul et con, mais j'aime son côté série B crade et gore, la zic est chouette, et n'oublions pas le petit pipeau de David - que voulez-vous, je suis déviant), donc Alvarez, disais-je, joue ici la carte de l'intelligence et de l'apaisement en proposant un film qui tente de séduire aussi bien les vieux fans que la génération plus récente. Et le tout avec un budget relativement modeste s'il vous plaît, pour ce genre de production (80 millions de $). Et on peut dire que c'est assez impressionnant. Le mec a déjà prouvé qu'il pouvait faire des miracles avec peu de moyens, et ici, avec l’aide de son directeur de la photographie Galo Olivares, il capture l'esthétique oppressante typique de la saga, tout en se montrant assez classe. Bien joué déjà. Mais bon, n'allons pas trop vite, déjà de quoi ça cause ?
L’histoire : Alors qu’il entreprend des fouilles dans une station spatiale abandonnée, un groupe de jeunes mineurs se retrouve confronté à la forme de vie la plus terrifiante de l'univers…
Alors, ce qui frappe immédiatement, c'est que le réalisateur ne se contente pas de créer des environnements hostiles juste pour le plaisir de la tension. Chaque cadre spatial fait sens et reflète des thématiques récurrentes de la saga : comme l'oppression industrielle et l'exploitation de l'humain par des forces plus grandes, notamment. Le caractère et l'opposition prolo/Compagnie est récurrente dans la saga, mais ici elle est directement poussée à l'extrême en s'y focalisant peut-être encore plus frontalement que dans les autres opus. Et ça apporte une touche vraiment intéressante. Ici, pas d'officiers d'un cargo minier, pas de marines, pas de prisonniers isolés de tout : non, des ouvriers, des mineurs, adolescents en plus, bossant comme des chiens sur une planète dégueu, sans aucune liberté personnelle. Alors ok, on apprend rien de nouveau sur ce front. À travers la saga on se doutait bien de cet environnement, pas de soucis. Mais s'y confronter concrètement, en explorant ce quotidien hyper précaire d'une société capitaliste ultra-exploitatrice, où la Weyland-Yutani Corporation régit absolument tout, permet non seulement un ancrage cohérent avec l'univers - rappelant que l'espace, dans Alien, n'est pas un lieu de découvertes scientifiques, encore moins humanistes, mais bien au contraire un champ de bataille économique et politique violemment froid et déshumanisant, où le cauchemar, l'horreur, est autant extérieure qu'intérieure - mais également apportant une base au récit permettant de s'attacher hyper rapidement aux protagonistes, rêvant d'un ailleurs meilleur, et d'adhérer complètement à leurs décisions, aussi bancales qu'elles puissent être. Bref, c'est bien joué, c'est un super postulat de base.
Ensuite, dans le développement et dans ses différentes articulations narratives, ainsi que son expression technique, visuelle, Alien Romulus joue clairement la carte de l’hybride, cherchant à combiner l'horreur lente et oppressante de l’original de Ridley Scott, mixée à l'action de la suite signée James Cameron. La station spatiale dans laquelle l'intrigue se déroule se présente comme un vrai labyrinthe claustro. Elle alterne entre des zones qui rappellent le vaisseau Nostromo et d’autres qui évoquent les délires plus militaires, plus industriels de Hadley’s Hope. La mise en scène assez immersive d'Alvarez nous fait sauter d’un environnement oppressant à une zone de guerre spatiale avec une aisance assez amusante. Bonne gestion de la montée en tension, du ryhtme et du timing. Le taf du chef op Galo Olivares (qui a signé, entre autres, la photo assez cool du Gretel & Hansel d'Oz Perkins) est super maîtrisé. Il jongle habilement avec ses jeux de lumière et ses contrastes, ses ruptures entre obscurité totale et lumière blafarde, avec des palettes de couleurs froides parasitées par des couleurs chaudes, le tout à travers des cadres bien exploités, réussissant à non seulement faire relativement grimper la tension, mais aussi à proposer de belles images. Ça fait plaisir.
Visuellement, Romulus s’appuie également fortement sur cette esthétique du "gothique spatial" propre à l’univers de Alien. On retrouve les mêmes décors industriels et les mêmes motifs de ruines spatiales, où le danger surgit à chaque recoin. La photo et les décors paient évidement leurs tributs aux précédents films (très cool la rétro-tech), n'oubliant pas l'esthétique de H.R. Giger, surtout dans la manière dont l'organique et le mécanique s’entremêlent dans les corridors. C'est forcément déjà vu, mais c'est tellement l'ADN de la série que ça aurait été dommage de ne pas l'évoquer et l'exploiter. On peut difficilement faire autrement - à moins, je sais pas, de faire comme Fincher : de longs plans en steady avec objectif en fish eye dans des couloirs en béton moche le tout avec un perpétuel filtre marron-ocre-jaune-pipi. Pourquoi pas hein. En tout cas, Fede Alvarez, lui, varie les ambiances, les approches. Il semble entre-autres favoriser l'utilisation de focales permettant d’accentuer la sensation d’isolement. Un choix créant une atmosphère presque intime, proche des personnages, tout en limitant la visibilité de l’arrière-plan, renforçant un sentiment d'incertitude et de mystère. Et évidement des plans plus larges pour magnifier menaces, voir étrangetés, et le tout dans des compositions de cadres assez léchées. C'était déjà le cas dans son Evil Dead et dans Don't Breathe, mais il faut reconnaitre encore une fois que Alvarez et son équipe gère l'aspect esthétique et narratif de sa mise en image de manière vraiment chouette.
Niveau bestioles, les facehuggers et les xénomorphes sont cools. Les facehuggers notamment qui bénéficient de séquences plutôt sympa. Il y a une gestion intéressante dans la représentation de ces Xénomorphes, plus intelligentes peut-être, calculatrices en tout cas, et l'opposition entre jeunes humains et eux, ce contraste, surligne peut-être encore plus qu'ailleurs le caractère anciens et étranges de cette espèce, cet "organisme parfait", menace aussi étrange et fascinante que létale. Ce symbolisme de l'horreur cosmique, où l'humanité est confrontée à des forces plus anciennes, plus complexes et plus puissantes, est évidemment au cœur du mystère et de la tension de la saga et donc du film. Et Alvarez gère ça plutôt bien. Sans aller jusqu'à dire qu'ils retrouvent totalement leur aura et leur mystère, faut pas déconner non plus, ils dépassent néanmoins le simple caractère de super cafards de l'espace, à mon sens, pour exprimer un peu plus que ça. Et faut admettre que c'est plutôt réussi également à ce niveau là. Surtout que, Weyland-Yutani oblige, Compagnie exploitant toute chose, le film d'Alvarez lève un peu le voile sur l'obsession de la firme pour les Xéno. C'est plutôt intéressant et cela permet même de faire un petit lien avec les préquels de Scott. C'est assez surprenant et plutôt bien vu. Et par ricochet cela permet même de gonfler encore plus, si c'est possible, le potentiel de l'une des plus iconiques des créatures symbolisant physiquement les mystères et les terreurs de l'espace froid et infini. Ils ne sont pas juste des armes biologiques basiques à exploiter, mais deviennent - littéralement - une étape dans l'évolution humaine. Pas con.
Pour ce qui est du casting, Cailee Spaeny (déjà vu notamment dans Pacific Rim : Uprising et récemment dans le Civil War de Alex Garland) dans le rôle de Rain, est vraiment super, excellente, aussi touchante et fragile dans son impuissance et dans ses problématiques, qu'assez impressionnante physiquement, et David Jonsson dans le rôle de l’androïde Andy (très bon lui aussi) apportent une dynamique qui fonctionne plutôt bien. Ils saupoudrent le récit d'une touche d’humanité qui fait que, même au milieu du chaos, on s’y attache forcément. Le caractère dysfonctionnel d'Andy ajoute une petite profondeur, une problématique un peu tragique à ce duo. Autant dans sa fragilité que dans la froideur d'un revirement, d'un enjeu, également intéressant à un moment. Ça fonctionne bien. Ça drive plutôt efficacement le récit et, comme les deux sont très bons, on s'attache assez facilement à eux. Encore une fois, c'est un choix d'accroche assez bien vu.
Bref, Alien Romulus fait le boulot. Et plutôt bien. Il n’est pas parfait, en effet son caractère "maxi best of" comme on a pu le lire ici et là (pas faux dans l'absolu, mais un poil exagéré quand même à mon sens, voir même clairement injuste au vu des différentes propositions du film) peut néanmoins parfois faire quand même un peu tiquer. Pour moi ça passe, même si j'avoue que le "Get away from her, you bitch", bon, voilà, c'est un peu naze. Facile, quoi, trop. Je m'en serais bien passé, ils étaient pas obligés les mecs. Mais soyons honnêtes, ça reste une goutte d'eau. Et quant aux autres clins d’œil, ça va, n’exagérons pas, y a rien de réellement problématique, ça passe. L'ensemble s'inscrit plutôt bien dans la saga avec un joli mélange de genres. Il se permet d'apporter par petites touches quelques nouveautés sympas même, et des séquences plus qu'intéressantes (cool qu'on capitalise enfin aussi frontalement sur l'acide sanguin des xéno). Alors est-ce que Romulus révolutionne entièrement la franchise ? Pas vraiment, non. Mais est-ce une prérogative ? Doit-on obligatoirement se hisser au niveau des deux premiers chefs-d'œuvre sinon rien, merci beaucoup, rentre chez ta mère ? Bah non, faut pas déconner, ça aurait été con. Donc oui, Alien Romulus est loin de tout ça, loin de révolutionner la franchise, oui, mais il reste hyper solide, divertissant, intéressant, le cast est très bon, et le tout est visuellement assez chouette. Franchement, c'est déjà pas mal.
-MacReady-
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