Réalisation : Jang Jae-hyeon
Année : 2024
Pays : Corée du Sud
Casting : Choi Min-sik, Kim Go-eun, Lee Do-hyun
Durée : 2h14
Note : 4/6 (MacReady)
4,5/6 (Dahlia)
Scénarisé et réalisé par Jang Jae-hyeon - déjà connu pour The Priests sorti en 2015 et Svaha: The Sixth Finger en 2019 - présenté chez nous à l'édition 2024 de l'Étrange Festival et au FEFFS (l'excellent Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg) dans la catégorie Compétition Internationale Fantastique, Exhuma développe une intrigue où les rites funéraires et les rituels shamaniques tiennent le premier rôle. Avec une esthétique soigneusement travaillée, le film plonge le spectateur dans une atmosphère parfois éthérée, mais proche de la nature, pesante, suggestive, mais parfois aussi frontale, et surtout mystérieuse et assez fascinante.
L'histoire : Un riche père de famille sud-coréen, expatrié aux États-Unis, a un problème avec sa fille que la médecine moderne ne parvient pas à résoudre. Il fait donc appel à deux chamanes qui pensent que l'origine des troubles de la petite fille serait à rechercher dans les ancêtres de la famille. Ils proposent au père de se rapprocher d'un géomancien et de son associé expert en rite funéraire. Ces derniers seront à même de trouver un nouveau lieu de sépulture afin de calmer les esprits néfastes.
Alors déjà : visuellement, c'est solide. Lee Mo-gae - directeur photo qui avait déjà œuvré entre-autre sur 2 Sœurs, Le Bon, la Brute et le Cinglé et I Saw the Devil de Kim Jee-woon - nous livre ici des images promptes à distiller une ambiance aussi aérienne que délétère, très ancrée dans la représentation visuelle des quatre éléments (terre, eau, air et feu) enveloppant l'ensemble de l'histoire - les quatre éléments étant également importants dans le récit et la philosophie, si on peut dire, véhiculée dans celui-ci et dans sa finalité. Chaque plan est pensé, presque hypnotique. L’ambiance du film est visuellement très réussie : pesante, mystérieuse. Sentiment de mystère qui ne te lâche pas, et qui te pousse à rester scotché même quand ça traîne un peu en longueur.
Parce que ouais, faut bien le dire, le film prend son temps. C’est long, peut-être même un chouïa trop long. Alors attention, on ne s'ennuie pas. Mais pourtant, par moments, tu sens bien que ça aurait pu être un poil plus resserré quand même. Le plat est copieux disons. En tout cas, c'est pas un problème de ryhtme. Car oui c'est rythmé, le film, découpé en plusieurs chapitres, sait assez bien relancer constamment son intrigue, c'est bien articulé, c'est plutôt équilibré, on ne décroche pas vraiment, mais deux-trois coupures par-ci par-là n’auraient peut-être pas fait de mal quand même. Ouais, savoureux, mais un poil trop copieux.
D'ailleurs, en parlant de ce découpage en chapitres, ce qui est vraiment très très cool avec Exhuma, c’est presque ce mélange des genres qui fonctionne assez bien. Chaque chapitre a sa propre ambiance, presque même ses propres enjeux, ses propres spécificités, et parvient non seulement à proposer cohérence et fluidité à l'intérieur même de ces chapitres, mais également dans l'ensemble : chaque chapitre rajoutant évidement une nouvelle pierre narrative à l'édifice construisant progressivement découverte et compréhension globale du récit. Du bon boulot. C'est toujours en oscillation, entre le suggestif et le frontal, entre l'évocation et la démonstration (même parfois relativement vénère dans les deux derniers chapitres). Ces passages fluides entre les ambiances donnent toute sa cohérence au film. On n’est jamais perdu, les pièces du puzzle se mettent très efficacement en place, la mécanique fonctionne, et on est toujours surpris.
Niveau références culturelles, c’est assez sympa et assez solide. Les rituels, les exhumations, les danses pour éloigner les esprits sont très intéressants - tant au niveau basique de découverte culturelle, de dépaysement, et d'exploitation d'imageries fantastiques et horrifiques propres à cette culture, que thématique et visuel. Cet ancrage dans une réalité religieuse, superstitieuse, coréenne lui donne du poids. Difficile d'en parler en profondeur sans spoiler, mais disons qu'il y a aussi une chouette représentation frontale de l'idée d'une Corée dont la terre est encore hantée par son histoire. Très sympa. Et franchement, là où Jang Jae-hyeon assure, c'est qu'il brasse tous ces aspects sans se montrer lourd ou pompeux. Le film, cet aspect mystérieux où on a continuellement envie de creuser encore plus en profondeur - celles et ceux ayant vu le film comprendront - se fait de manière assez ludique et n’est, comme je l'ai dit, que relativement entaché par une durée parfois un peu trop généreuse à mon gout.
Bref, Exhuma, ce n’est pas le film parfait, mais c’est clairement un truc à voir. Très sympa. Long, parfois un peu trop, mais accrocheur et visuellement très beau et très maîtrisé. Je n'en ai pas parlé, mais le cast est lui aussi très bon. Choi Min-sik évidement, connu pour son rôle dans Oldboy, Kim Go-eun, vraiment excellente, et l'ensemble fait du très bon taf. Il est très attachant ce groupe, et leurs caractéristiques individuelles et collectives bien mis en valeur. Maîtrise également dans les différents développements narratifs, Jang Jae-hyeon gère assez bien son projet, avec une mise en scène qui tient en haleine et un sens du détail plutôt carré. Une bonne surprise.
-MacReady-
Films cités dans l'article présents sur le blog :
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