Prisoners of the Ghostland [Sono Sion]

 

Avis Prisoners of the Ghostland Sono Sion Nicolas Cage

Réalisation : Sono Sion

Année : 2021

Pays : USA/Japon

Casting : Nicolas Cage, Sofia Boutella, Bill Moseley...

Durée : 1h43

Note : Sono Sion/6 (MacReady)

 

Première réalisation outre-Atlantique et en anglais (s'il vous plait) du réalisateur Japonais-keupon Sono Sion, avec dans le rôle principal l'acteur Américain-keupon-basset Nicolas Cage, Prisoners of the Ghostland va réussir l'incroyable tour de force de nous proposer une espèce de cartographie paradoxale et contradictoire de pulsions parasites et trollesques n'hésitant jamais à continuellement s'auto-saborder et à pirater à peu prés tout ce qui en constitue sa substance, le tout dans une espèce de transe aussi destructrice que créatrice. Sono Sion quoi. 


Avis Prisoners of the Ghostland Sono Sion Nicolas Cage


Piratage en premier lieu du scénario écrit par Aaron Hendry (un acteur notamment vu dans les séries Inhumans et dans Teen Wolf (!) et qui signe ici son premier travail d'écriture) et par Reza Sixo Safai (un autre acteur que l'on a pu voir entre-autres dans The Mentalist). Et il faut que je vous avoue que j'aimerais énormément lire la première version. Je me trompe peut-être, sans doute, mais je parierai allégrement les deux rotules de mon voisin que l'histoire devait être beaucoup plus classique et plan-plan avant qu'elle n'atterrisse entre les grosses patounes du réalisateur japonais-couteau-suisse (Sion est également poète, musicien punk, peintre, photographe, bref, tout ce que vous voulez il y est, il en fait). On pourrait croire que c'est une énième commande réalisée sans envie par le réal dans le seul but alimentaire, et c'est factuellement le cas : c'est bien une commande. Pourtant c'est pas si simple. Mais, justement, d'ailleurs : déjà de quoi ça parle ?

Dans un monde ravagé par une explosion nucléaire, un criminel a pour mission de retrouver et de sauver une jeune fille kidnappée et retenue dans un espèce de village/bastion isolé nommée « Ghostland ». Pour l'obliger à accomplir sa mission et le contraindre à l'exécuter rapidement et sous certaines conditions, le criminel sera doté d'une combinaison gavée d'explosifs. 

 

Avis Prisoners of the Ghostland Sono Sion Nicolas Cage


 

Voilà. Plutôt simple. Une histoire fleurant bon les flagrances Carpenteriennes et les effluves post-apo. La base. Et sur cette base Monsieur Sono va alors commencer son entreprise de démolition massive et essayer de réunir toutes ses pulsions de piraterie. La poésie de certaines séquences sera parasitée par des moments débiles, les moments débiles seront parasités par une lenteur contemplative, la lenteur contemplative sera parasitée par une bruyante hystérie, la bruyante hystérie sera parasitée par des velléités arty fortement symboliques, les velléités arty fortement symboliques seront parasitées par des moments absurdes etc et etc... tout y passe. C'est constant. Même la traditionnelle volonté d'iconisation virile de son personnage principal y passera avec un Cage plus que consentant de s'amuser avec cette émasculation constante (et littérale) dans des séquences aussi improbables que réjouissantes (géniale séquence de bicyclette). 

 

Avis Prisoners of the Ghostland Sono Sion Nicolas Cage

 

Comme dit tout est constamment piraté, parasité, même les attentes. Alors Sono Sion n'a plus rien a prouver dans la maitrise des ruptures de tons et de l'organisation d'un joyeux bordel - il n'y a qu'à voir et revoir son chef-d'œuvre de quasi 4h Love Exposure pour s'en convaincre. Mais là on est au-delà de ça. On est bien dans la démolition permanente. Dans de la réappropriation - du projet, de l'histoire - par la destruction. Car au milieu de ce chaos mouvant, de ces ruines, reste néanmoins une constante, une récurrence : la figure du temps qui passe. Ces personnages essayant d’arrêter les aiguilles d'une immense horloge publique d'avancer, cette espèce de comptine/litanie chantonnée par Bill Moseley à base de "tic-toc le temps passe". Autant d'éléments prenant une résonance particulière à l'heure où le réalisateur vieillissant, victime d'une crise cardiaque assez sévère pendant la préproduction du film, semble vouloir injecter au métrage - comme si ce n'était pas déjà assez le bordel -  son angoisse, son refus, puis finalement son acceptation de l'inexorable, apportant une fois encore une nouvelle rupture à l’ensemble. C'est assez fascinant.


Avis Prisoners of the Ghostland Sono Sion Nicolas Cage


Fascinant, et toujours chez Sono, visuellement sublime, s'appropriant une fois encore la maxime : quitte à faire n'importe quoi autant que ça soit beau. Et ça l'est vraiment. Mieux encore, cela participe pleinement à rajouter une couche supplémentaire de parasitage et de sabordage d'attentes. Un truc aussi "autre" avec une photo cheap comme dans les nombreuses séries Z neo grindhouse du milieu/fin des années 2000, ça aurait été attendu. Là c'est l'inverse totale. À la photo nous retrouvons son collaborateur Sôhei Tanikawa qui a déjà bossé avec le réal foufou sur Love Exposure, Guilty of Romance, Himizu, The Forest of Love. Et les deux mecs s'évertuent une fois encore à faire un taf super. Véritable érotomane, tout court, mais également dans l'expression d'une fétichisation quasi sensuelle des couleurs et de la composition du cadre, Sion prouve une fois encore qu'il trône sans partage sur ses compatriotes niveau cinématographie pure, à l'heure où le cinéma japonais a en grand majorité complètement lâché l'affaire, en proposant des films ayant plus que souvent le look de drama et de téléfilms miteux. Pas de ça ici, le film en met à mon sens plein la gueule.

 

Avis Prisoners of the Ghostland Sono Sion Nicolas Cage
 

Donc Prisoners of the Ghostland finalement, c'est super ou c'est nul ? Bah tout ça à la fois. Épousant les volontés conscientes du réal de bâtir sur les ruines de son autodestruction permanente et de réunir toutes formes de pulsions contradictoires, toutes les critiques que l'on peut lire sur le film ont raison. Unanimement. C'est nul, c'est cool, c'est lent, c'est fun, c'est con, c'est intéressant, c'est un nanar, c'est magnifique, c'est Z, c'est drôle, c'est chiant, c'est du troll, c'est fou, c'est bordélique, c'est bateau, c'est libre. Foutrement libre. À aucun moment je ne serais en mesure, personnellement, de choisir un camp, d'argumenter dans un sens, contre-argumenter dans un autre. Tout le monde a raison. Tout le monde. Et de mon coté j'ai pris le film dans son entièreté, tous ces éléments antinomiques cohabitant dans un joyeux bordel réjouissant, et que je ne résumerai - pour le pire comme le meilleur - que par deux simples mots : Sono Sion.


 

Avis Prisoners of the Ghostland Sono Sion Nicolas Cage


-MacReady-


Les films de Sono Sion disponibles sur le blog :

Shinjuku Swan (2015)


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