The Empty Man [David Prior]

 

Avis  The Empty Man de Davis Prior

Réalisation : David Prior

Année : 2020

Pays : États-Unis

Casting : James Badge Dale, Marin Ireland, Stephen Root...

Durée : 2h17

Note :  5/6  (Vixen)
 
 

Bazardé en vitesse sur les écrans américains par une 20th Century Fox s'apprêtant à se faire engloutir par le géant Disney, desservi par un trailer mensonger qui le vend comme un énième film de boogeyman et affublé d'un titre très générique, The Empty Man a logiquement essuyé un four cuisant au box office. Le film vaut pourtant bien mieux que sa triste réputation, au point de s'imposer comme l'un des meilleurs efforts récents produits par le genre aux U.S. 

Explications ! 

Avis  The Empty Man de Davis Prior

Et dès l'ouverture, un très long prologue situé au Bhoutan qui nous présente l'entité maléfique en titre (presque un petit film dans le film), on sent que la balade ne sera pas tout à fait ordinaire. Le récit se décale par la suite dans le Missouri et nous collons aux basques d'un ancien policier solitaire, joué par James Badge Dale. Brisé par la mort violente de sa femme et son fils, il se met à enquêter sur la disparition de la fille d'une amie et va rapidement être confronté à une série d'évènements de plus en plus étranges. 

A l'instar de son héros qui, à partir d'une rumeur de lycée fleurant bon les feux de camp ou les creepypastas (une bouteille vide, un pont, la nuit : simple et malin), se retrouve pris dans une spirale infernale, c'est le film lui-même qui sinue, dévisse hors de son cadre balisé et part explorer d'autres horizons...quitte à donner parfois l'impression de s'éparpiller.

 

Avis  The Empty Man de Davis Prior
 

Légendes urbaines adolescentes, viralité du mal, entité lovecraftienne, culte malfaisant et paganisme de l'Amérique profonde : The Empty Man multiplie les pistes narratives et empile les sous-genres à la mode, à tel point qu'on ne sait plus trop si David Prior ratisse au plus large par opportunisme ou s'il essaye d'opérer la synthèse de tous les courants de l'épouvante moderne (dans une tentative de capter le zeitgeist horrifique des années 2010). 

 Au vu de la dégaine, disons...baroque du résultat et des ambitions formelles du réal j'aurais tendance à opter pour la deuxième réponse, mais il faut bien reconnaitre que l'écriture a un peu de mal à suivre. J'ai personnellement beaucoup apprécié le tempo particulier du film, qui m'a rappelé dans ses meilleurs moments les grandes heures du cinéma horrifique lugubre et dépressif des 70's. En revanche le dernier tiers, qui multiplie les twists et redéfinit complètement l'ampleur des enjeux, est un peu bancal et rushé : une bonne dose de suspension d'incrédulité sera nécessaire pour apprécier les qualités du final (d'une noirceur assez hallucinante). Pas étonnant qu'une partie des spectateurs, venus sur la promesse d'une inoffensive Blumhouserie et largués deux heures et quart plus tard trèèèès loin de leur point de départ, en soient ressortis perplexes.

 

Avis  The Empty Man de Davis Prior
 

Et finalement c'est bien le drame de The Empty Man, qui s'est retrouvé coincé dans un entre-deux difficile à marketer pour les costards-cravates de la Fox : le film est trop bizarre et atypique pour rentrer dans le moule des trains-fantômes génériques produits à la chaîne par les majors, mais en même temps trop mainstream pour se raccrocher au courant de l'"elevated horror" (incarné par les productions très tendance d'A24, type Ari Aster ou Robert Eggers). De fait, le cinéphile amateur d'horreur fatigué par les tics de cette mouvance "arty" (ellipses tous azimuts, symbolisme lourdingue, tendance à aborder le genre par des voies détournées etc) pourrait bien saluer le film de Prior comme une bouffée d'air frais. The Empty Man assume totalement son statut de pur film d'épouvante, avec une unique ambition : FAIRE PEUR. 

Pour arriver à ses fins, David Prior mise sur la technique de l'élastique, délaissant les gimmicks de l'école Blum House au profit de l'atmosphère et dilatant le temps pour privilégier la construction du suspense (en mode "quelque chose d'horrible va se passer, mais quand ?")...certains se sont ennuyés mais perso j'ai trouvé ça d'une efficacité redoutable. Et puis c'est tellement beau de voir un réal enfin maîtriser l'art galvaudé du jump scare (peu nombreux mais vraiment réussis, mention spéciale au meurtre dans le sauna qui m'a bien fait bondir). Bref à vous de voir si vous êtes plutôt team Conjuring ou L'Exorciste la Suite ! Ceux qui aiment le cinéma de Mike Flanagan - ou du moins son approche de l'épouvante - apprécieront sans doute la virée, d'autant que Prior fait montre d'une vraie patte personnelle dans sa gestion du montage et de la bande-son (anxiogène au possible).

 

Avis  The Empty Man de Davis Prior
 

Le comparo Flanaganesque peut d'ailleurs être filé dans la façon qu'a The Empty Man de flirter avec un certain classicisme....mais sans y succomber tout à fait (un peu à l'image du titre, qui prend in fine une dimension insoupçonnée). Sur le papier le héros joué par James Badge Dale a par exemple tout du cliché ambulant qui fait bâiller (l'ex-flic cabossé et son trauma familial), mais la qualité du jeu d'acteur et les réactions crédibles du personnage finissent par lui donner une certaine épaisseur. Idem pour le boogeyman qui ressemble au départ à une caricature du genre (le clochard-Nazgul avec ses loques qui pendouillent) avant de convoquer  progressivement des références plus inquiétantes (le Roi en Jaune). Bref un vrai petit manuel du film de genre, qui empile certes les figures imposées mais les nourrit avec soin et en propose des variations intéressantes.


Alors tout ça n'est pas parfait pour autant (y'a quand même des scories dans l'écriture), et le rythme posé ne conviendra peut-être pas à ceux qui cherchent un ride frénétique, mais c'est du solide, avec un amour du taf bien fait, une ambiance à faire froid dans le dos et des idées de mise en scène en pagaille. Fut un temps, on s'enflammait pour bien moins que ça (remember La Secte Sans Nom ?), aujourd'hui ce genre de pelloche de qualité se retrouve noyée dans la masse, dommage. Le temps devrait jouer son oeuvre et réhabiliter le film, mais pas obligé.e d'attendre 20 ans pour le (re)découvrir. 

-Vixen-

 
NB : si quelqu'un a des retours sur le comic book duquel le film est adapté (et lui même sobrement baptisé The Empty Man), je serais curieux !

Film disponible sur DISNEY + STAR

 

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