Space Is the Place [John Coney]

Avis Space Is the Place  [John Coney]

Réalisation : John Coney

Année : 1974

Pays : États-Unis   

Casting : Sun Ra, Barbara Deloney, Raymond Johnson...

Durée : 1h25

Note : 4/6 (Georgie)
 
 « It's After The End Of The World, Don't You Know That Yet ? »

Avis Space Is the Place  de John Coney
 
Drôle d'objet (intéressant) ce Space Is the Place (1974) réalisé par John Coney. J'étais très intrigué et curieux de le voir car j'apprécie beaucoup la musique de Sun Ra, artiste jazz (précurseur) dans un style atypique avant-garde/free/électronique/cosmique. Alors avant toute chose, histoire de replacer le contexte dans lequel le film a été fait :

"En 1971, le producteur de film Jim Newman approcha John Coney, producteur/réalisateur pour la chaîne de télévision publique KQED à San Francisco, pour lui proposer de tourner un documentaire d’une demi-heure sur le Sun Ra Arkestra. Sun Ra vit immédiatement l’opportunité d’utiliser le film comme une tribune sur la condition des Noirs sur la Planète Terre – et comme un médium puissant pour sa musique en tant que véhicule pour élever la communauté de la misère. La production du film débuta en 1972 avec le tournage et l’enregistrement de l’Arkestra en action, l’atterrissage d’un vaisseau spatial, une visite dans un tombeau égyptien et la création d’une planète mythique céleste [...] Après de longs mois de montage, le scénariste Joshua Smith fut engagé pour travailler sur le scénario et transformer le projet en un film narratif cohérent."

Avis Space Is the Place  de John Coney
  

Donc oui au final Space Is the Place ne ressemble à rien d'autre... Un ovni. A la fois film musical, documentaire, blaxploitation, science-fiction, long-métrage engagé... bref, un film complètement expérimental où Sun Ra va aborder, développer sa philosophie cosmique qui à première vue pourrait paraître, disons farfelue, mais qui en réalité ayant un véritable aspect politique et une profondeur. Exemple d'un dialogue où Sun Ra s'adresse à des jeunes gens Afro-Américains, rieurs et moqueurs, sous fond de posters de Huey P. Newton, Eldridge Cleaver, Angela Davis...

  • Si je voyais quelqu'un dans la rue, sapé comme ça, je me casserai fissa plutôt que de me taper ses conneries de l'espace.

  • Voulez-vous savoir si je suis réel ?

  • Oui.

  • Je ne suis pas réel, je suis comme vous. Vous n'existez pas dans cette société... Si vous existiez, les vôtres ne revendiqueraient pas l'égalité des droits. Vous n'êtes pas réels, sinon vous auriez un certain statut parmi les nations du monde...donc nous sommes deux mythes... Je ne me présente pas devant vous comme une réalité. Je me présente comme un mythe parce que c'est ce que sont les Noirs, des mythes.

Alors en gros voici l'histoire : Sun Ra a disparu lors d'un voyage en Europe en 1969. Il a voyagé dans le cosmos et revient sur Terre avec le Sun Ra Arkestra, ayant un plan pour le salut des Noirs. Il ouvrira une agence de recrutement pour l'espace, organisera un concert et des mecs travaillant pour la NASA vont tout faire (mise sur écoute, kidnapping, meurtre,...) pour savoir comment Sun Ra réussi à convertir ses progressions harmoniques en énergie.

En parallèle, le début du récit, en 1943 à Chicago, donc une autre temporalité, Sun Ra rencontre un pimp avec lequel il va jouer son destin et celui de la Terre, et même carrément miser sur la fin du monde.

Avis Space Is the Place  de John Coney
 

Donc ouais, un scénar' bien foutraque où différents genres, cités plus haut, vont se télescoper. Concernant ceux-ci je ne vais pas radoter, vu que je les évoque déjà dans un paragraphe, mais par contre je peux rajouter qu'il y a aussi un léger côté Kenneth Anger (sans la vision luciférienne) dans le rendu. Sinon les effets, et le film en général, sont clairement kitchs, mais dégageant un véritable charme. De plus à côté de la partie fiction, la réalisation donne également un aspect documentaire d'époque (les années 70) de la vie et la condition afro-américaines, et de la ville d'Oakland, berceau du Black Panther Party. Le tout accompagné de la musique du Sun Ra Arkestra.

Bref, j'ai aimé ce Space Is the Place, un long-métrage expérimental, bancal, kitch, politique, maladroit, parfois ridicule, mais avec un vrai propos sur la musique et la société. Et si vous aimez Sun Ra, Space Is the Place passera tout seul. Pour les autres, ça peut être l'occasion de découvrir ce personnage.  

- Georgie -

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