Titicut Follies [Frederick Wiseman]

Avis documentaire Titicut Follies (1964) de Frederick Wiseman hôpital psychiatrique carcéral

Réalisation : Frederick Wiseman

Année : 1967

Pays : États-Unis

Durée : 1h24

Note :  6/6 (Georgie)
 
 
Eh bien je dois dire que je suis ressorti plutôt K.O de mon visionnage de Titicut Follies, documentaire très dur dans ce qu'il montre de nous, et créant de véritables moments de malaise.

Il s'agit du premier film de Frederick Wiseman (genre de portraitiste filmique des institutions américaines et de l'humain au sein d'elles) tourné en 1967 à Bridgewater, une prison d'État psychiatrique. Le style Wiseman, c'est aucune information donnée aux spectateurs, pas de commentaires en voix-off, pas d'interviews,... Juste une plongée direct, sans filtre et sans fard, dans le quotidien d'une institution carcérale aux côtés des détenus (criminels ou pas, mais ayant tous, à priori, pour point commun des troubles mentaux), des gardiens, des médecins et autres soi-disant ''spécialistes''... 
 
Avis documentaire Titicut Follies (1964)  Frederick Wiseman

Entre perte totale d'intimité, humiliations et tortures psychologiques semblant naturelles et inconscientes pour celui qui l'exerce, condescendance et mépris de la part des médecins/psychiatres et autres charlatant se réfugiant derrière un jargon sentencieux caractérisant l’individu non plus comme être humain mais comme ''maladie'', comme trouble, et parfois même tout simplement comme objet, Wiseman, en plus de faire un portrait consternant de ce lieu, me semble également faire un portrait de nous. Sorte de miroir du comportement humain en société. Et Wiseman ne se place pas au-dessus en juge, mais il se met dedans, parmi nous, dans la fosse.

Voici un cours extrait d'interview du réal' présent dans le livret du DVD sorti chez blaq out :

- N'ont-ils pas conscience de l'humilier ? (référence à une scène entre des gardiens et un détenu)
- Je ne crois pas. S'ils en avaient conscience, ils ne le feraient pas. Dans tous mes films, les gens pensent que les choses qu'ils font sont convenables. Ils les voient de leur point de vue. Mais ce n'est pas vrai que pour les gardiens de Bridgwater : ça l'est pour nous tous.

                                                                                                                                                             
D’ailleurs la séquence dont ils parlent, procure un gros gros putain de malaise bien méchant... De même qu'une scène d'intubation visant à nourrir un détenu refusant de le faire par lui-même et montée avec une autre séquence impliquant le même ''malade''... Glaçant et méchamment marquant ! Mais je n'en dis pas plus. Ce genre de scènes procurant malaise et indignation ne sont pas rares. Enfin, ouais, il faut bien comprendre que Titicut Follies est très dur dans sa réalité, et qu'après visionnage une furieuse envie de s'aérer l'esprit se présentera à vous pour décompresser
 
Avis documentaire Titicut Follies (1964)  Frederick Wiseman
 
Pour revenir sur le style de Wiseman, je trouve cela très malin de ne fournir aucunes indications aux spectateurs, de le laisser découvrir avec un œil neutre (enfin autant qu'il peut l'être car au final les réalisateurs nous montrent ce qu'ils veulent avec un parti pris) ce qui permet par exemple à plusieurs moments, et notamment lors de sa scène d'intro, de ne ne plus savoir qui est malade incarcéré et qui est autorité des lieux... Parfois les premiers ont l'air plus ''normaux'' que les autres. De même il y a deux séquences absolument magistrales, et effroyables, dans ce qu'elles montrent, où un jeune homme remet en question de façon incroyablement logique et intelligente la légitimité de sa présence dans cette prison psychiatrique à la place d'une ''traditionnelle''... En retour il n'obtient que mépris, ironie, condescendance et augmentation de sa dose de tranquillisants. Des spécialistes qui pour certains ont l'air plus ''fous'' que lui.
 
Avis documentaire Titicut Follies (1964)  Frederick Wiseman

Pour info, le film fut interdit de projections publiques aux États-Unis pendant plus de 20 ans sous couvert d'atteinte à la vie privé, alors que Wiseman avait toutes les autorisations nécessaires. Mais il semble que la véritable raison soit plutôt que les mecs se sont rendu compte un peu tardivement à quel point le film, et donc tout ce qui se déroule à Bridgewater, allait leur porter préjudice.

Voici un cours extrait d'une analyse de Fabien Braumann issue du livret présent dans le livret du DVD  :

Comment l'administration carcérale a-t-elle pu laisser filmer ces atrocités ? C'est peut-être là l'effarement le plus absolu que provoque Titcut Follies : l'ignominie ne se perçoit pas comme ignominie. Les gardiens ou les médecins, clope au bec, balancent une vanne, s'adressent des clins d’œil, croient travailler dans le maximum de bonhomie et bonne humeur que leur rude tache leur permet.

Bref, un docu qu'il faut absolument visionner, tout en sachant qu'il y a de fortes chances de sortir éreinté de ces 84mn. A la fois social et politique, parlant de l’Amérique de l'époque (pour rappel nous sommes en 1967, pas une petite période pour les U.S), mais parlant également de nous.

- Georgie -

DVD sorti chez BLAQ OUT

 

 

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