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Année : 2025
Pays : États-Unis
Casting : Eiza González, Aaron Paul, Iko Uwais
Durée : 1h35
Note : 5/6 (MacReady)
1/6 (Dahlia)
Nouveau long métrage du musicien et cinéaste Flying Lotus (Steven Ellison à l'état civil), Ash est un film de science-fiction horrifique produit par XYZ Films et distribué par Amazon MGM Studios. Alors, Flying Lotus n’en est pas à son coup d’essai côté réalisation : après un premier long en 2017 (Kuso), ovni gore et expérimental aussi halluciné que crade-WTF-dégueulasse, il avait déjà imposé sa patte visuelle en réalisant ou co-réalisant plusieurs clips, notamment pour Bilal (Levels) et Erykah Badu (Gone Baby, Don’t Be Long), mais aussi en collaboration avec David Firth (Fire Is Coming, Ready Err Not) et en composant des B.O. pour Yasuke (Netflix) ou Ozzy's Dungeon (segment de V/H/S/99 qu'il réalise aussi). Ce nouveau film marque clairement une ambition plus lisible, presque classique sur le papier — huis clos SF d'horreur sur une station perdue sur une planète inconnue, avec deux survivants et un mystère sanglant — mais filtré par un prisme coloré, anxiogène, dégageant des relents aussi fascinants que cauchemardesques, une ambiance d’angoisse sensorielle, une recherche constante de textures, de sons, de flux visuels. Et, oui, aussi une tendance à foncer tête baissée dans le ressenti pur, dans le sensitif, quitte à laisser de côté les enjeux narratifs plus classiques, c'est vrai. Mais le film, paradoxalement, dégage une forme de beauté venant peut-être justement de ses boursouflures.
L'histoire : Une femme se réveille sur une planète lointaine et découvre que l'équipage de sa station spatiale a été sauvagement tué.
Sur cette base simple, peut-être même facile, Ash ne va pourtant jamais chercher la lisibilité ou la simplicité. Très vite, l’atmosphère prend le pas sur l’intrigue. La station est sale, glaciale, organique et claustro — mais pas seulement : elle est presque liquide. Comme si quelque chose fondait en permanence. Les couloirs, les corps, les visages. Le réel tremble. Et c’est là que la mise en scène devient intéressante. Flying Lotus filme comme un cauchemar qui aurait pris racine dans une techno chelou de fin du monde. Tout est matière, pulsation, textures visuelles proches de l’abstraction, avec une lumière ultra travaillée (de forts contrastes rouges/bleus/verts, lumières et couleurs froides vs lumières et couleurs chaudes, bref un jeu constant sur les couleurs et la composition des cadres), et une caméra qui flotte à la frontière du rêve, ou de la remontée d’acide en trip psyché et bad trip violent. Et le tout en réussissant à être à la fois un peu poseur dans son dispositif, mais sans jamais que ce parti pris, cette esthétique, n'en reste qu'à sa démarche totalement abstraite. C'est hyper ancré, concret, et c'est de là que viennent les sentiment de beauté, d'étrangeté et d'horreur cosmique. C'est franchement du bon boulot.
Le film est monté comme une boucle mentale, comme si tout avait déjà eu lieu, ou allait se produire. Ou se reproduire. C’est une mise en abyme du regard, du souvenir, de l’interprétation. Ce que tu vois n’est peut-être pas ce qui a eu lieu. Ou alors si. Mais filtré. Altéré. Perverti. C’est là que le film touche quelque chose. Pas tant une révélation ou une pirouette scénaristique, non. Une véritable sensation. Un état. L’intuition d’un glissement. D’un effondrement intérieur. Et c'est non seulement logique au vu des différentes articulations de l'histoire, mais accompagnant parfaitement l'approche visuelle. C'est vraiment solide.
Le scénario, lui, reste simple. Trop simple, diront peut-être certains. C’est un huis clos de SF horrifique paranoïaque cosmique avec une dynamique se situant entre Alien et The Thing (mais alors viteuf hein), une réflexion sur la confiance, l’identité, avec une couche de body horror discrète mais bien sale. Mais là encore, ce n’est pas ce que raconte le film qui est passionnant. C’est comment il le raconte. Et comment il digresse, comment il fait muter ses motifs. Le film passe par l’horreur psychologique, la contemplation poético-angoissante, et la pulsion gore. Sans jamais totalement s’installer. Il bouge tout le temps. Il délire, un peu. Il oscille. Il a des flashs. Et cette instabilité, j’ai trouvé ça encore une fois très bien vu. Parce que oui, le film est avant tout un trip, mais le tout encore une fois reste très concret, touchant du doigt l'abstrait mais ne s'y complaisant jamais totalement. Trouvant un équilibre vraiment juste.
Alors bien sûr, les effets spéciaux ne sont pas toujours au niveau. On sent le budget limité. Certains effets numériques sont un peu fauchés. Mais même là, le film arrive à en faire une esthétique, une sorte d’étrangeté crade assumée, entre hommage à Carpenter (The Thing, encore une fois) et écho au body horror vidéoludique (Dead Space, Scorn, Soma). Le final est d’ailleurs une véritable descente en enfer cosmique, un basculement dans la pure série B, avec des visions horrifiques purement organiques, une idée de l’espace comme lieu de contamination mentale, de possession symbolique, voire de régression vers une forme d’humanité désintégrée au sein d'un cauchemar halluciné.
Au cœur de ça, il y a Eiza González (Baby Driver, Godzilla vs Kong, Ambulance, et récemment dans l'adaptation de Netflix en série de la trilo de romans de SF Le Problème à 3 Corps de Liu Cixin). Et elle est vraiment cool. Jouant avec une retenue froide, un force réelle mais qui peu à peu se fissure, se détraque. Une présence presque spectrale, un avatar de douleur fiévreuse et de mémoire floue. Presque désincarnée parfois. Elle est de tous les plans, elle tient le film, elle incarne assez bien cette tension entre beauté et horreur. Je trouve perso qu'elle assure. Aaron Paul (bon, Breaking Bad) lui, cabotine un peu plus, mais sa présence physique fonctionne bien. Les deux forment un duo qui se tournent autour, se reniflent mutuellement sans jamais vraiment se faire confiance. Et cette tension, cette méfiance fondamentale, elle tient plus ou moins bien tout le film.
Alors oui, évidemment, je ne dis pas non plus que tout est réussi. Il y a des longueurs, forcément. Des dialogues un peu plats. Des effets un peu forcés. Mais l'ensemble fait largement passer ses défauts. C'est un film sensoriel, qui essaie des trucs, qui échoue parfois, mais qui n’a jamais peur d'y aller. Un film que je trouve visuellement magnifique, et extrêmement efficace malgré tout. Qui se permet même lors de son final de proposer de la pure série B — ce que de toute façon le film est. Et il l'assume. C'est sensitif, mais jamais prétentieux, encore une fois loin de toute démarche intello ou arty simplement pour faire de l'arty. Mais bien de proposer un trip assez bien dosé, porté par un sens du visuel hyper solide et une bande-son mortelle — signée également par Flying Lotus — sorte de bulle synthétique immersive, un mix entre drone, ambient, synthwave, électro mutant. Qui pulse, qui enveloppe. Comme si Carpenter, Tangerine Dream et Vangelis avaient pris du LSD et se mettaient à glitcher, à partir en bad trip mystique. Il y a même de petites touches discrètes de Akira Yamaoka, le compositeur des soundtracks des Silent Hill parfois. En tout cas, toutes ces propositions, ces différents éléments, ces différents mécanismes, s'emboîtent vraiment bien les uns dans les autres et proposent une dynamique, à mon sens, très efficace. Bref, Ash c'est super. Coup de cœur.
-MacReady-
Disponible sur la plateforme de streaming Amazon Prime : ICI
Film de Flying Lotus critiqué sur le blog :
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