Wake in Fright [Ted Kotcheff]

 

Avis Wake in Fright Ted Kotcheff

Réalisation : Ted Kotcheff

Année : 1971

Pays : Australien

Casting : Gary Bond, Donald Pleasence, Chips Rafferty

Durée : 1h49

Note : 2/6 (MacReady)

         5,5/6 (Dahlia)

 

Wake in Fright de Ted Kotcheff (surtout connu pour avoir réalisé Rambo) -  présenté dans la Rétrospective Ozploitation du Festival européen du film fantastique de Strasbourg (FEFFS) - film culte s'il en est, autant par son propos et son traitement que par le fait que le film est resté quasi trente ans invisible et même considéré quasi perdu - la seule copie encore existante était jugée tellement dégueulasse qu'elle ne pouvait même pas prétendre à une sortie DVD - avant que l'on retrouve les bobines (et qu'on les sauve : celles-ci étaient dans un container marqué "À détruire") en 2009 et ont donc pu être restaurées. Wake in Fright, disais-je, peut encore impressionner par son caractère radical typiquement 70s. Impressionner, mais gonfler aussi un peu, tellement cette radicalité et ce martèlement hystérique incessant de son propos, sans aucune forme de subtilité, se montrent presque vains en fait, futile.

 

Avis Wake in Fright Ted Kotcheff


L’histoire : John Grant, un jeune instituteur, fait escale dans une petite ville minière de Bundayabba avant de partir en vacances à Sydney. Le soir, il joue son argent et se soûle. Ce qui devait être l'affaire d'une nuit s'étend sur plusieurs jours...

Adaptation du roman éponyme de Kenneth Cook sorti en 1961, et derrière ce pitch fleurant bon la descente aux enfers, Wake in Fright va nous immerger sous les océans de bières frelatées, de sueur et de crasse dégueu de sa critique de l'outback australien et de ses rednecks d'habitants à un point tel que ça en devient relou. Le film ne propose finalement que ça, ne s'extrait jamais de son système, ne s'élève jamais. Évidemment ce caractère répétitif et, comme déjà dit, radical est voulu, recherché, mais finalement c'est assez pauvre, ne pouvant être résumé qu'en une phrase : la civilisation est un peu une convention sociale illusoire et en picolant beaucoup et en étant loin de tout, foulala, on peut s'y perdre totalement et ça peut partir en couille un peu. Bah... oui. Merci film.

 

Avis Wake in Fright Ted Kotcheff


L’alcoolisme, la violence, la masculinité toxique, tout ça est présenté de façon tellement caricaturale que ça en devient pénible. Kotcheff n’hésite pas à insister lourdement sur la débauche et le côté malsain des personnages secondaires, notamment Doc Tydon (Donald Pleasence, excellent dans son alcoolisé cabotinage) - sorte de symbole de désillusion incarnée, d'honnêteté existentielle implacable, mix improbable entre ange libérateur et démon de la dépravation insalubre et odorante, dégueulasse, à la fois Charon le passeur des Enfers et cadavre moral victime de sa propre malédiction, pièces sur les yeux, flottant sur le flot de binouses du Styx des conventions, de leurs mensonges et des violences de leur abandon. En gros hein. Mais le problème c'est que tout ça finit par tourner en rond. Par s'écrouler sous le poids de son propos, sans véritablement apporter de réflexions ou de subtilités à ce cadre, de cet aspect "dans ta gueule". Alors oui, c’est viscéral, c'est vrai, c'est bien. Olfactif même. Mais bon, comme dit, c'est un peu juste. Le symbolisme c'est sympa, mais sans résonance, sans existence autre, sans déploiement supplémentaire, ça reste un poil artificiel. Intéressant attention, mais superficiel.

 

Avis Wake in Fright Ted Kotcheff


Tournage hyper rude, filmé dans des conditions climatiques extrêmes, avec une chaleur écrasante, les acteurs donnent de leur personne, c'est indéniable. Certaines scènes, comme la fameuse chasse aux kangourous (véritable massacre malsain authentique filmé avec l'aide de véritables chasseurs), ont marqué les esprits et continuent de soulever des débats. À juste titre. La cruauté envers les animaux, c'est chaud, dans et pour l'utilité d'un truc aussi vain qu'un film, c'est immonde, et pour ce film précis de poivrots teubés en plus, c'est débile. Alors ok, ça illustre, ça dénonce. Très bien. Mais bon, encore heureux. Encore une fois, tout ça pour ça, et encore une fois, merci film. Ça valait bien le coup. Bon, visuellement, il faut quand même admettre que la photographie signée Brian West est chouette. L'outback est filmé de façon à le rendre à la fois hypnotique et terrifiant, entité vivante engloutissant tout sur son passage. Écrasant, étouffant. Certaines scènes réussissent parfaitement à te plonger dans son ambiance irrespirable, claustro et misanthrope. Kotcheff, à ce titre, fait du bon taf, ça aussi c'est indéniable. Mais ouais, tout ça pour ça.

 

Avis Wake in Fright Ted Kotcheff
Wake in Fright reste une expérience un peu marquante, certes. Mais sans non plus grand intérêt à mon sens hors de sa découverte initiale. La violence, l’alcool, la déchéance humaine… tout y est montré de manière si frontale, si hystérique, si répétitive, qu’on finit par être assommé, détaché, presque insensible à ce qu'il expose finalement. On regarde sa montre jusqu'à la fin de la gueule de bois. Alors on peut saluer la performance des acteurs, la mise en scène parfois ingénieuse, le propos, les symboliques, et la photo splendide de l’outback, et c'est déjà pas mal me direz-vous. Et vous auriez raison. Mais bon, voilà, tout ça pour ça. Tout ça pour voir des mecs se pinter la gueule comme des cons à t'en dégouter de la bière et se comporter comme s'ils n'avaient jamais eu de mamans pendant 1h49. Vraiment, la fine équipe.


-MacReady-

 

 

Commentaires