Année : 2024
Pays : Japon, Etats-Unis
Casting : Uki Satake, Shin'ichirô Miki, Takashi Matsuyama
Durée : 4x25 min
Note : 4/6 (MacReady)
Uzumaki, connu sous le nom de Spirale chez nous, est l'une des œuvres les plus emblématiques (avec Tomié) du mangaka Junji Ito, une référence incontournable du manga d’horreur, voire du genre horrifique tout court. Excusez du peu. Publié entre 1998 et 1999, le manga met en scène les thèmes récurrents de l'auteur - l'obsession, la folie, l'isolement, la perte de contrôle de son corps - le tout enveloppé dans une approche frontale et graphique de la terreur existentielle, de l'horreur surnaturelle, voire cosmique (dans le sens lovecraftien du terme) et du body horror dégueu. Son style graphique est, comme dit, frontal, glaçant, et ses récits, où l'horreur se glisse dans la banalité du quotidien, en font clairement un maître du genre - si ce n'est pas déjà fait, si vous vous intéressez à l'horreur, il faut le lire. Vraiment. C'est incontournable. Donc, adapter cette œuvre culte se présente comme un sacré pari, surtout avec le passif d’adaptations souvent bancales de ses récits – je pense fortement à l'anime de 2023 Netflix Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre, assez nulle et limite hors sujet parfois avec un traitement décalé, voir comique, de certaines de ses courtes histoires. Un comble. Ici, pour cette nouvelle adaptation, c'est Hiroshi Nagahama à la réalisation, connu pour son travail sur des animes atmosphériques comme Mushishi. Le projet a donc rapidement suscité de l’espoir. Produit par le studio Drive, cette mini-série de quatre épisodes s’attaque donc à un petit classique du genre.
L’histoire : Kirie Goshima, élève du secondaire, vit dans la ville de Kurôzu-cho. Ce bourg situé sur la côte japonaise serait maudit...
Visuellement, l’anime est une totale réussite. Le style de Junji Ito, avec ses traits précis et ses décors cauchemardesques, est superbement rendu à l’écran. Les fans de l’œuvre originale ne seront pas déçus par l’esthétique, qui capture bien cette ambiance de lente et inexorable désolation, dégradation, autant des corps que des esprits. Le parti pris de conserver le noir et blanc du manga est clairement bien vu, autant pour insister sur la fidélité du trait que pour éviter une sorte de dilution des impacts recherchés par Ito dans son manga. Ici, rien à dire, ça claque. C'est brute. Les spirales envahissent l’espace de manière oppressante, s'insinuant dans chaque recoin de la ville et dans la vie de ses habitants. Les corps sont tordus, les visages déformés, l'étrangeté angoissante est hyper bien rendue à l'écran. C'est vraiment la classe. Et on ne peut qu’applaudir la fidélité du studio à ce niveau, surtout que, encore une fois, l'œuvre d’Ito, avec son art si spécifique du macabre, n'est à mon sens pas si simple à adapter. La mise en scène parvient sans problème à instaurer cette tension viscérale propre à l'horreur cosmique et au body horror d'Ito. C'est extrêmement efficace.
Autre bon point, la bande-son composée par Colin Stetson (qui a signé, entre autres, le score de Hérédité d'Ari Aster et de Color Out of Space de Richard Stanley) est également une franche réussite. Elle participe grandement à cette immersion dans l’horreur. Organique et synthétique, parfois lancinante, répétitive, nous aspirant également dans sa spirale, elle nous plonge hyper efficacement dans une ambiance oppressante, anxiogène, renforçant un sentiment de décalage, de pesanteur, d'étrangeté et de malaise. Les silences aussi sont également bien utilisés, semblant laisser les spirales elles-mêmes engloutir l’espace sonore, jouant donc sur des contrastes super maîtrisés. Bref, un choix judicieux et qui illustre assez bien l'ensemble.
Maintenant, là où l'anime pêche un peu, c’est du côté du découpage narratif. Quatre épisodes, c’est un peu court. Ça renforce le rythme général de l'histoire (et encore, ça se discute), mais c'est quand même peu pour retranscrire la descente aux enfers de la petite ville de Kurouzu-cho et de ses habitants. Le manga prend son temps (relativement, le temps de lecture et le temps passé à contempler les cases peuvent élargir la rythmique de manière infinie) pour tisser son filet autour de ses personnages. L'anime, lui, changement de média oblige, semble un poil précipité. Les événements s’enchaînent parfois trop rapidement, sans laisser à l’horreur le temps de s’installer. Pire, dans les premiers épisodes, cette rapidité dans l'enchaînement des événements peut éventuellement nous faire sortir du récit et nous faire nous interroger face à la réaction, ma foi, assez stoïque des personnages, qui retournent à leurs vies quotidiennes sans être profondément perturbés par ce qu'ils viennent de voir. Ça va quoi, ils gèrent. Tout va bien. On mange quoi ce soir ? Cet aspect est également présent dans le manga, mais le passage au mouvement, à l'incarnation, même si elle est dessinée, animée, dépendante d'une rythmique cette fois imposée, face à l'enchaînement hyper soutenu des événements, peut poser un petit problème. Bref, ce manque de construction progressive - ce manque de lenteur presque, cette précipitation qui aurait pu être diluée grâce à deux ou trois épisodes supplémentaires et à des plages peut-être plus contemplatives - nuit paradoxalement un tout petit peu à l'immersion.
Mais bon, le tout reste néanmoins quand même hyper solide. Il est clair que Hiroshi Nagahama et son équipe ont mis tout leur talent au service de cette adaptation, et certains choix artistiques sont vraiment à saluer, malgré ces petits défauts. La fidélité totale - tant au niveau de l'histoire, de son ambiance, que de la précision du trait de Junji Ito et de ses impacts - est au rendez-vous, c'est franchement hyper classe, et ça reste une vraie réussite de transposition, de réalisation, d'atmosphère étrange, grotesque et horrifique.
-MacReady-
- Mini-Sèrie disponible sur la plateforme Max : ici.
Je pense surtout que Junji Ito et son horreur atmosphérique et grotesque ne marche que sur papier.
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