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Année : 2020
Pays : États-Unis
Casting : Lulu Wilson, Kevin James, Joel McHale
Durée : 1h33
Note : 4/6 (MacReady)
3/6 (Dahlia)
Moi, vous savez, je suis un homme simple : parfois, il me suffit d’un hoodie trempé de sang, d’un chien fidèle et d’un regard de gamine possédée pour me rappeler pourquoi j'aime encore les petites séries B, sans doute bancales, c'est vrai, mais pleines de hargne et de fureur. Becky, c’est ça. Un revenge movie frontal, rugueux, un peu facile, oui, mais quand même plutôt sympa, un film qui regarde Maman, j'ai raté l'avion et Die Hard dans le rétro, et se dit : “Et si c’était une gamine de treize ans qui faisait tout le sale boulot ?” Spoiler : bah en vrai, ça marche plutôt bien.
Alors, c'est pas un concept nouveau ou original non plus, évidemment. Là, comme ça, de mémoire, je pense à 36-15 code Père Noël de René Manzor, à The Babysitter de McG, même au récent Abigail de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, qui, même s'il échappe un peu au concept par une voie plongeant totalement dans le fantastique, flirte un peu quand même avec le genre. Mais là où Becky va se démarquer, c'est dans le ton et la vénéritude primitive de l'ado qui va pas se laisser faire et qui va exorciser toutes ses frustrations en défonçant du néo-nazi avec rage. Et c'est plutôt sympa. Mais une chose après l'autre, déjà, l’histoire :
L'histoire : La vie de Becky, 13 ans, vient de basculer avec la mort de sa mère. Contrariée par devoir passer son week-end avec son père et sa nouvelle compagne, elle va devoir affronter de nouvelles épreuves quand la famille est prise en otage par un groupe de prisonniers évadés, emmenés par le cruel néo-nazi Dominick, à la recherche d'un mystérieux talisman. Les malfaiteurs sont loin de se douter que Becky peut renverser le rapport de forces et faire d'eux ses proies.
Becky — tout comme les autres films évoqués en intro — est donc un film qui prend un malin plaisir à inverser les rôles, à inverser le rapport de force. Ce ne sont pas les adultes qui protègent l’enfant. C’est l’enfant qui massacre les adultes. C’est parfois absurde, souvent brutal, voire gore, et toujours filmé avec une efficacité qui fait oublier les grosses ficelles. Parce que ce qui surprend, c’est à quel point Milott & Murnion (connus surtout pour Bushwick, que je n'ai pas encore vu) assument le concept sans jamais chercher l’ironie. Ils ne se moquent pas. Ils y croient. Ils tournent ça comme un vrai film de vengeance, très premier degré, avec une caméra qui reste au ras du sol, au plus près des nerfs sous haute tension de leur héroïne. La chef op. Greta Zozula donne à l’ensemble une texture à la fois poisseuse et lumineuse, comme un cauchemar en plein après-midi. Il y a un vrai travail sur la profondeur de champ, les flous progressifs, et une gestion de la lumière naturelle qui ancre la violence dans une forme de quotidien. Les bastons dans les bois, c’est pas du John Wick quoi, léché et stylisé. Non ici, c’est crade, confus, et ça pique un peu.
Et puis, il y a Lulu Wilson. Treize ans au moment du tournage — on l'a également vue dans l’excellent Ouija : les origines du non moins excellent Mike Flanagan, et dans la suite un peu chiante d'Annabelle : Annabelle 2 : La Création du mal — treize ans au moment du tournage, disais-je, un regard d’acier trempé dans le deuil et la rage, et une présence qui fait tenir le film sur ses épaules. La meuf assure. Ce n’est pas forcément une question de crédibilité (à un moment, elle arrache un œil avec un compas comme si elle jouait à la marelle), c’est une question de ton. Elle ne surjoue jamais. Elle joue sérieusement. Et c’est précisément ce sérieux qui rend le tout assez fun. Le malaise vient de là : Becky n’est pas un délire rigolo de revanche adolescente. C’est une gamine qui tue parce qu’elle n’a plus rien à perdre, parce qu'elle déborde d'une haine et d'une colère boostées au deuil mal géré et aux hormones, et parce qu'elle se lâche et décharge tout ça sur des gros néo-nazis. Ce qui fait toujours plaisir.
Face à elle, Kevin James est étonnamment sobre. Pas exceptionnel, mais appliqué. Il joue son rôle à l’économie, tout en opposition à sa carrière axée comédie, tout en tension rentrée, contenue, et ça suffit à éviter la parodie. Son personnage de Dominick n’est pas un grand méchant de cinéma, mais il fonctionne comme figure inquiétante : froid, raciste, méthodique, et suffisamment bête pour sous-estimer une gamine avec un bonnet de nounours - qui est soit dit en passant un chouette élément de costume permettant tranquillement non seulement de faire passer l'idée du jeune age de la protagoniste, son caractère enfantin/mignon, mais également symbolisant presque une sorte de coiffe guerrière, tribale, primitive, l'iconisant assez efficacement : bien joué.
Côté mise en scène, c’est carré. Le film sait quand accélérer (les assauts sanglants sont secs et violents, voir gore) et quand ralentir (les moments de silence entre Becky et son chien sont presque tendres, à leur manière). On sent que le budget était plus que limité, mais les réals en tirent parti : peu de décors, peu de dialogues inutiles, beaucoup de mise en tension par l’espace. Et surtout, cette volonté de ne jamais faire du fun une excuse. Même dans ses excès, Becky garde les pieds sur terre. Pas de clin d’œil appuyé ou de dérision méta. On s'éloigne des amusants The Babysitter, de Abigail. Ici, c’est sale, frontal. Et c’est rare. Ça n'en diminue pas le fun non plus, attention. Car le film est vraiment fun et plutôt généreux. Mais d'une manière violente et primale, furieuse.
Alors oui, on pourra tiquer : le scénario est ultra balisé, les méchants sont des caricatures, et certaines scènes frôlent le grotesque. Mais ce serait passer à côté de ce qui fait le sel du film : une brutalité sèche, un regard de sale gosse, et un sens de l’efficacité qui rappelle que le cinéma de genre peut encore produire des petits plaisirs violents, sans chercher l’excuse de l’ironie ou du cynisme. Bref, Becky, c’est une sale gosse avec une clé autour du cou, du sang plein les baskets et une revanche à prendre sur à peu près tout ce qui bouge. Et si le film ne révolutionne rien, il a au moins le mérite de savoir où il tape — en plein dans la carotide. Et puis voir une gamine éclater un nazi à la tondeuse, ça a quelque chose d’étrangement réconfortant. Oui, je suis un homme simple.
-MacReady-
Film disponible sur la plateforme Amazon Prime : ICI
Film cité critiqué également sur le blog :
- Abigail
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