- Obtenir le lien
- X
- Autres applications
Année : 2025
Pays : États-Unis
Casting : Danielle Deadwyler, Okwui Okpokwasili, Peyton Jackson
Durée : 1h28
Note : 2/6 (MacReady)
Trois ans après Black Adam qui était mais trop super (c'est faux), et
entre deux projets d’action bateau avec Liam Neeson, Jaume Collet-Serra revient là où on ne
l’attendait pas forcément : un thriller intime, en huis clos, produit
par Blumhouse, centré sur une famille en deuil confrontée à une femme
dans le jardin — le titre ne nous prend pas en traître, c'est déjà ça. À
la croisée du drame psychologique et du film de fantômes, The Woman in
the Yard tente une épure : 1h28, peu de personnages, une maison, un
jardin (avec une femme dedans), et un concept pas inintéressant mais
assez basique et limité. Un projet modeste (budget estimé à 12 millions
de dollars — quand même, ça va), mais qui n'arrive jamais à dépasser son
caractère symbolico-métaphorique et qui tourne vite à vide. C'est con.
L'histoire
: Une veuve endeuillée, isolée avec ses deux enfants dans une ferme
reculée, voit sa réalité basculer lorsqu'une mystérieuse femme voilée de
noir apparaît dans leur jardin.
Voilà. C'est tout. Ça va pas beaucoup plus loin que l'affiche du film quoi. Limite elle se suffirait à elle-même cette affiche. Pourquoi s'emmerder à faire un film autour ? Non mais c'est vrai, toute la symbolique est déjà là. La métaphore est évidente. Du coup c'est un peu chiant. Alors oui bon, évidemment j'exagère : sur le papier, y’a de quoi piquer un peu la curiosité. Alors Jaume Collet-Serra, ça n'a jamais été non plus un tueur — même si l'assez moyen Esther était quand même vite fait intéressant. Sauf qu'ici voilà : The Woman in the Yard ça ne décolle jamais en fait. Très vite, le film se replie sur sa métaphore surlignée, qu’il déroule de façon attendue et un peu figée, sans jamais la faire trembler, sans jamais révolutionner sa propre proposition. Et comme, justement, il ne propose autour de ça que très peu de mise en tension, d’envolées formelles ou, je ne sais pas, d'articulations narratives relançant l'intérêt, on finit par avoir cette curieuse impression d’être nous aussi enfermés dans la maison. À attendre, un peu engourdis, que quelque chose vienne briser, ou sublimer le déroulement mécanique. Et bah non, en fait.
Dès les premières scènes — ou comme je le disais dès l'affiche du film en vrai — on comprend immédiatement ce que le film veut dire, où il va. La maison comme espace mental, le jardin comme territoire du refoulé, la femme mystérieuse comme projection d’un trauma, d'un deuil, d'une pulsion — tout est là, posé comme une grille de lecture avec bien marqué dessus grille de lecture, au cas où. Et une fois qu'on a les clés, ben... y’a plus beaucoup de portes à ouvrir en fait. Le film devient un circuit fermé, un petit théâtre métaphorique qui tourne à vide. Tout ce qui s’y passe semble calibré pour servir cette idée — pas pour la troubler, la creuser ou la dépasser. Du coup, il ne reste plus qu’à attendre que ça passe. Comme dans un rêve un peu monotone dont on devine plus ou moins le déroulement et la fin avant même le réveil.
Et c’est dommage, parce qu’il y a quand même de bons trucs. Danielle Deadwyler (vue notamment dans I Saw The TV Glow) pour commencer. Elle est clairement la principale qualité du film. Elle porte son personnage comme une tension continue, presque physique. Une voix pleine de failles, un regard constamment en train de chercher l’air, un corps toujours à la limite de l’effondrement — elle joue avec une intensité qui donne envie d’y croire. Elle arrive même à donner un peu de nervosité à des scènes qui, sans elle, seraient franchement vides. C’est elle qui injecte de l’émotion là où l'ensemble reste plat. Elle joue contre l’inertie du film, presque malgré lui. Et si on tient jusqu’au bout, c’est sans doute pour elle.
Visuellement, pareil, c'est pas mal. Pawel Pogorzelski, le chef op’ de Hérédité, Midsommar et Beau is Afraid pour Ari Aster, a déjà prouvé qu’il savait créer des ambiances troubles, étranges, oniriques et/ou cauchemardesques. L’image est propre, un peu laiteuse, mais pleine de contrastes, bien cadrée — mais jamais inquiétante, jamais ambiguë. La maison est filmée avec distance, presque comme une maquette. Pas de jeu sur la profondeur, pas de piège spatial. Juste des jeux intéressants sur les ombres et sur les miroirs. Bon. C’est joli hein, mais sage. Trop sage. Attendu. On sent que Pogorzelski connaît les codes du genre, mais tout semble bridé, comme si la consigne était de ne surtout pas déranger le spectateur. Résultat : un film en adéquation avec son histoire, qui ne cherche jamais à sortir de sa bulle, à dépasser un peu son concept. Il y a parfois de l'ambiance, de l’atmosphère, mais c'est quand même assez souvent hyper bateau.
Quant à Jaume Collet-Serra, bon déjà ça n'a jamais été un grand formaliste. Un peu comme d'hab, il fait juste le boulot. Il filme platement, comme s’il avait peur de prendre parti. Les mouvements de caméra sont timides, les coupes mécaniques, les idées de mise en scène absentes. Même quand le récit appelle un basculement, un glissement vers le cauchemar, rien ne bouge vraiment. Ou si peu. Comme si le film refusait obstinément de devenir un vrai film de genre, préférant rester dans l’entre-deux, cette zone grise du thriller psychologique qui n’ose ni la folie ni la terreur. Alors dans le final il se réveille un peu, mais du coup c'est assez mal équilibré.
En bref, c’est peut-être ça le vrai problème. L'équilibre. The Woman in the Yard ne dépasse jamais sa symbolique. Il l’installe, il la martèle, mais il ne l’habite jamais vraiment. Il ne propose que très peu d’autres choses autour, ni émotion brute, ni vertige formel, ni tension organique. Y a un petit jeu sympa rapide dans la dernière partie sur la temporalité et la réalité qui vacille, mais voilà, ça reste pauvre. Le petit train-train du deuil, du trauma, du dépassement de ce trauma et de ce deuil. Oui bon. Et comme tout se referme sur cette idée unique — qui aurait pu tenir en court-métrage — on finit nous aussi coincés dans la maison. À attendre, un peu las, que quelque chose arrive. Que le film s’échappe, se fissure, se mette à respirer. Mais il reste là, figé, assis sur une chaise dans le jardin. Bon... Au moins il fait beau.
-MacReady-
Films cités dans l'article présents sur le blog :
Commentaires
Enregistrer un commentaire